Ottawa (Ontario) – Commission canadienne des droits de la personne
Une version de cet article a été publié dans Le Devoir, le 23 août 2025.
Par Marie-Josée Houle et Stephanie Chipeur
Lorsque le premier ministre Carney s’est exclamé « Construisez, construisez! » devant une foule en liesse lors de la fête du Canada, ce n’était pas qu’un simple cri de ralliement. Il faisait référence à une politique fédérale. Le gouvernement s’est fixé comme objectif de doubler rapidement le nombre de logements afin de rétablir l’abordabilité, et ce, dans un contexte qu’il qualifie de tournant historique. Son gouvernement a d’ailleurs déjà annoncé la création d’une nouvelle organisation fédérale, appelée « Maisons Canada », dont la mission est de concrétiser cet objectif.
Inspirant, mais déjà-vu.
Dans certains quartiers, on peut encore apercevoir des maisons construites dans les années 1940, pour faire face à la grave crise du logement de l’après-guerre. Pilotées par le gouvernement fédéral, ces initiatives ont permis d’offrir des logements abordables à grande échelle. Mais si ces interventions visaient à loger les anciens combattants, dont beaucoup vivaient avec des blessures de combat, ces maisons n’ont pas été conçues pour répondre aux handicaps variés et changeants des personnes.
Quatre-vingt-cinq ans plus tard, malgré tout ce que nous devons savoir sur l’accessibilité et les droits des personnes en situation de handicap, le Canada risque de répéter la même erreur. Cette nouvelle initiative nationale en matière de logement nous donne l’occasion, voire l’obligation, de rectifier le tir.
L’une des premières étapes consiste à s’assurer que le Code national du bâtiment est adapté à l’objectif visé. La version actuelle du Code ne respecte pas les normes d’accessibilité les plus récentes et exempte toujours un vaste groupe de logements à petite échelle. Dans une lettre ouverte publiée en 2024, la défenseure fédérale du logement a prévenu les ministres fédéraux que cet écart est incompatible avec les obligations du Canada en matière de droits de la personne.
La pénurie de logements abordables, qui a atteint un seuil critique, entraîne des conséquences désastreuses. Elle porte atteinte aux droits de la personne, exerce une pression indue sur nos systèmes de santé et de services sociaux, limite l’accès à l’emploi et engendre des répercussions économiques négatives.
Plus de 8 millions de Canadiens et Canadiennes vivent avec un handicap et ce nombre ne fera qu’augmenter à mesure que notre population vieillit. Le logement accessible est donc un impératif moral et pragmatique. Le Plan national de construction peut à la fois répondre à l’urgence de la situation actuelle et respecter les obligations du Canada en matière de droits de la personne.
Cela signifie qu’il faut repenser la conception des logements dès le départ pour les rendre plus adaptables. Un logement conçu pour être modifié et évoluer selon les besoins changeants entraînera des coûts moindres, des délais de construction plus courts et moins de perturbations lors des transitions, que ce soit pour permettre à l’occupant de vieillir sur place ou d’adapter les lieux à un handicap. La beauté dans tout cela, c’est que concevoir et construire tous les logements de cette manière, ne coûte pas plus cher et ne nécessite pas plus d’espace que ce que l’on construit déjà.
La cerise sur le Sunday? Nous disposons déjà des outils nécessaires. Le Catalogue de conception de logements du Canada, élaboré par Normes d’accessibilité Canada, présente des conceptions accessibles prêtes à être construites. Ces conceptions comprennent des caractéristiques flexibles, qui peuvent être adaptées facilement et à peu de frais, comme des murs renforcés pouvant éventuellement accueillir un ascenseur ou une barre d’appui, par exemple. Le catalogue présente également des conceptions de logements accessibles pour les personnes en situation de handicap. Ces logements sont essentiels pour pallier la pénurie de logements entièrement accessibles au Canada.
Récemment, la défenseure a demandé au Conseil national du logement de se pencher sur le manque de logements accessibles. Elle réclame une meilleure intégration de la notion de logement accessible et adaptable dans toutes les politiques et tous les programmes fédéraux en matière de logement. Ensemble, avec le soutien d’autres défenseurs, nous veillerons à ce que cette question soit entendue et fasse partie du débat national.
Le logement accessible nous concerne tous. Un quart de la population canadienne se déclare en situation de handicap, mais nous vieillirons tous.
Dans son discours à l’occasion de la fête du Canada, le Premier ministre Carney a évoqué la perspective d’« un Canada pour tous et pour toujours ». Pour y parvenir, le gouvernement fédéral doit se montrer à la hauteur du défi et construire une génération de logements adaptables aux besoins de tous et toutes à long terme. Non seulement cela est judicieux sur le plan économique, mais c’est aussi la bonne chose à faire. Cela va de pair avec l’idée de bâtir un avenir résilient pour le Canada.
Dans son discours à l’occasion de la fête du Canada, le Premier ministre Carney a évoqué la perspective d’« un Canada pour tous et pour toujours ». Pour y parvenir, le gouvernement fédéral et ses partenaires doit se montrer à la hauteur du défi et construire une génération de logements adaptables aux besoins de tous et toutes à long terme. Non seulement cela est judicieux sur le plan économique, mais c’est aussi la bonne chose à faire. Cela va de pair avec l’idée de bâtir un avenir résilient pour le Canada.
Ça signifie que la construction de ces nouvelles habitations doit être conforme aux objectifs de la Loi canadienne sur l’accessibilité, de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et autres lois, afin d’éviter qu’elles ne perpétuent les obstacles.
Le Canada a déjà raté l’occasion de faire les choses correctement. Cette fois, nous disposons des connaissances, des outils et du mandat nécessaires. Ne laissons pas passer cette chance.
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Marie-Josée Houle est la défenseure fédérale du logement au Canada, dont le rôle est d’être une observatrice indépendante et non partisane des droits de la personne en matière de logement et d’itinérance et qui fournit des conseils et des recommandations au ministre fédéral responsable du logement.
Stephanie Chipeur est titulaire de la chaire Azrieli Accelerator en droit et politique du handicap à la Faculté de droit de l’Université de Calgary.
Les recommandations concernant la conception de Maisons Canada peuvent être soumises jusqu’au 29 août.
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