Présidente Karen Redman
Présidente du conseil régional, Région de Waterloo
Madame la présidente du conseil régional Redman, et mesdames et messieurs les membres du conseil régional :
Je vous écris aujourd'hui pour exprimer mes préoccupations concernant l'expulsion forcé du campement de personnes en situation d'itinérance afin de construire un nouveau carrefour de transport collectif au 100, rue Victoria Nord, à Kitchener, d'ici le 1er décembre 2025. En tant que défenseure fédérale du logement, mon mandat est d'examiner les problèmes systémiques en matière de logement à l'échelle nationale. Ce mandat a été établi par la Loi sur la stratégie nationale sur le logement (2019), qui réaffirme également que le droit à un logement est un droit fondamental de la personne au Canada.
Je reconnais que les municipalités comme la région de Waterloo sont aux premières loges de la crise de l'itinérance et des réponses aux campements, mais qu'elles n'ont pas nécessairement les pouvoirs et les ressources financières nécessaires pour s'attaquer à tous les facteurs systémiques qui contribuent à l'itinérance. Néanmoins, les administrations municipales – comme tous les autres ordres de gouvernement – ont l'obligation de respecter et de protéger les droits de la personne, et d'adopter une approche fondée sur les droits de la personne à l'égard des campements.
En février 2024, j'ai publié un rapport final assorti de recommandations à la suite d'un examen des campements de personnes en situation d'itinérance partout au pays qui a duré un an. Mon rapport, intitulé Respect de la dignité et les droits de la personne : Examen des campements de personnes en situation d'itinérance de la défenseure fédérale du logement, comprenait des recommandations à l'intention de tous les ordres de gouvernement afin qu'ils s'acquittent de leurs obligations en matière de droits de la personne. Vous pouvez consulter les recommandations destinées aux municipalités en ligne. J'ai conclu que les expulsions forcées et les approches en matière d'application de la loi ne règlent pas les problèmes systémiques sous-jacents et exposent les gens à des risques encore plus grands. J'ai également demandé aux municipalités d'élaborer des politiques fondées sur les droits de la personne à l'égard des campements et de veiller à ce que leurs interventions concernant les campements accordent la priorité au respect des droits de la personne des résidents des campements.
Approche fondée sur les droits de la personne à l'égard des campements
Une approche fondée sur les droits de la personne exige des municipalités qu'elles fassent tout en leur pouvoir pour protéger les personnes vivant dans des campements contre les préjudices et les violations de leurs droits de la personne. Pour ce faire, il faut :
- Engager un véritable dialogue avec les personnes vivant dans des campements et les personnes qui les soutiennent de façon continue.
- Trouver des solutions qui offrent des logements adéquats et le soutien dont les gens peuvent avoir besoin.
Une approche fondée sur les droits de la personne qui inclut les personnes vivant dans des campements dans la conception et la mise en œuvre de solutions durables est une solution gagnant-gagnant pour une collectivité. Cette approche permet non seulement d'améliorer la qualité de vie et la santé des personnes vivant dans des campements, mais aussi de trouver des solutions à long terme qui répondent aux besoins réels des personnes. De plus, un engagement significatif réellement ancré dans les principes des droits de la personne offre des solutions fondées sur les droits plus efficaces et durables que des procédures judiciaires qui prennent beaucoup de temps.
Au début du mois, mon bureau a publié le Guide pour un engagement significatif et l'intégration d'une approche fondée sur les droits de la personne dans les réponses aux campements. Cette ressource a été élaborée afin de fournir des directives supplémentaires aux municipalités et à d'autres ordres de gouvernement pour mettre en place des interventions fondées sur les droits de la personne concernant les campements. Ce guide, qui reconnaît que les expulsions forcées des campements constituent une violation des droits de la personne et qu'ils sont foncièrement préjudiciables, encourage les municipalités à explorer des alternatives fondées sur les principes des droits de la personne et à valoriser un engagement significatif auprès des personnes vivant dans des campements.
Des logements permanents et adéquats
Chaque personne devrait avoir accès à diverses options de logement et à divers lieux qui répondent à ses besoins, qui sont accessibles et qui sont adaptés à sa situation personnelle. Il est important que chaque personne soit maître de ses choix et de mener sa vie comme bon lui semble.
Durant mon examen, j'ai entendu à maintes reprises que les places dans un refuge d'urgence ou autres logements temporaires ne sont pas nécessairement une meilleure solution pour les personnes vivant dans des campements. Les places dans les refuges d'urgence ne tiennent pas compte de la sécurité d'occupation et peuvent être inaccessibles ou non sécuritaires pour de nombreuses personnes. Elles ne tiennent pas toujours compte des besoins culturels des peuples autochtones et des besoins des personnes en situation de handicap, et elles peuvent être dangereuses pour les femmes et les membres de la collectivité 2ELGBTQQIA+.
Les refuges d'urgence ne devraient pas être considérés comme une étape obligatoire avant qu'une personne puisse avoir accès à un logement permanent et adéquat. Les personnes sont capables d'accéder directement à un logement permanent sans d'abord passer par un refuge. Cela souligne la nécessité d'évaluer les besoins individuels et collectifs des personnes vivant dans des campements et d'éviter de mettre en place des obstacles à leur intégration sociale et à leur capacité d'accéder à un logement adéquat.
Il est également essentiel de veiller à ce que les logements de transition et avec services de soutien offerts soient conformes aux principes des droits de la personne. Les résidents de ces immeubles devraient bénéficier des mêmes droits que les locataires, conformément à la réglementation relative aux propriétaires et aux locataires en vigueur dans la province.
Engagement continu et solutions dans la région de Waterloo
Je comprends que la région de Waterloo a récemment adopté un règlement administratif concernant le campement, le Règlement 25-021, qui exige que l'espace soit libéré d'ici le 1er décembre 2025, et que les tribunaux sont actuellement saisis de l'examen de ce règlement. Je trouve regrettable que les résidents des campements n'aient pas été consultés lors de l'élaboration et de l'adoption du Règlement 25-021 ou lors de l'élaboration du plan visant à éliminer le campement au cours des prochains mois.
Je comprends que la région a mis en place une équipe chargée de travailler avec les résidents du campement. Cependant, le fait qu'il y ait un résultat prédéterminé (c.-à-d. éliminer le campement d'ici le 30 novembre 2025) mine la confiance et les possibilités d'engagement significatif. Les consultations ne sont qu'une simple formalité lorsque des décisions ont déjà été prises; elles montrent clairement aux résidents du campement que leur contribution n'est pas importante. Il ne suffit pas de prétendre adopter une approche fondée sur les droits de la personne; il est essentiel de prendre des mesures qui permettent de protéger les droits et d'améliorer réellement la vie des personnes vivant dans des campements. Cela ne doit pas se limiter aux efforts pour assurer l'accès à un logement adéquat, mais doit également inclure des mesures immédiates pour respecter la dignité humaine et protéger les vies jusqu'à ce que des solutions de logement adéquates à long terme soient disponibles en quantité suffisante et adaptées aux besoins des personnes.
L'établissement et le maintien de la confiance des personnes vivant dans des campements est un élément essentiel d'une approche fondée sur les droits de la personne. Ces relations doivent être empreintes de transparence, de responsabilité et d'intégrité. Alors que d'une part, la région a mis en place une équipe de travailleurs sociaux pour aider les résidents du campement à accéder à des logements, elle intente d'autre part des poursuites préjudiciables à l'encontre des résidents du campement. Il est impossible d'instaurer la confiance dans ce contexte. Le processus entrepris par la région de Waterloo mine l'authenticité requise pour apporter des changements positifs au moyen d'un véritable processus de mobilisation.
De plus, je trouve troublant que le Règlement 25-021 exige que la région communique uniquement avec les résidents qui vivaient dans le campement avant l'adoption du règlement et qu'il ne mentionne pas la nécessité de communiquer avec les personnes qui se sont installées dans le campement après l'adoption du Règlement.
Avant de proposer des solutions, il est important que les municipalités prennent le temps de s'informer et de bien comprendre l'expérience des personnes vivant dans des campements et qu'elles tiennent compte du fait que les gens choisissent de vivre dans des campements parce qu'il n'y a pas de logement ni de refuge d'urgence, qu'ils sont inaccessibles ou qu'ils ne leur procurent pas la sécurité dont ils ont besoin.
Des solutions durables ne pourront être trouvées que si les interventions règlent les vrais problèmes et besoins identifiés par les personnes vivant dans des campements. Cela ne peut se faire sans une mobilisation significative. Une mobilisation significative prend du temps et nécessite l'investissement de ressources. Cependant, lorsque de tels processus de mobilisation sont mis en œuvre de façon authentique avec l'intention sincère d'apporter des changements positifs, il y a beaucoup plus de chances de trouver des solutions concrètes qui respectent les droits des personnes vivant dans des campements – plutôt que des solutions de fortune qui font perdre du temps et de l'argent aux contribuables, et qui nuisent davantage aux personnes touchées.
Droits des Autochtones
Je me sens également obligée de souligner que les peuples autochtones sont largement surreprésentés dans la population des personnes en situation d'itinérance et des personnes vivant dans des campements au Canada en conséquence directe de la colonisation et du déplacement. Les réponses aux campements doivent reconnaître et respecter les droits énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les gouvernements métis, inuits et des Premières Nations doivent être soutenus dans la gestion et la mise en œuvre de solutions de logement qui tiennent compte de l'autonomie gouvernementale et des besoins propres aux collectivités.
Les populations autochtones en milieu urbain font face à des défis distincts en matière de logement, dont l'accès inadéquat à des services adaptés à la culture ainsi que des obstacles systémiques aux logements adéquat. Les gouvernements et les dirigeants autochtones locaux devraient être consultés dans la conception, l'exécution et le suivi des réponses aux campements. Il est également essentiel de veiller à ce que la mobilisation significative des peuples autochtones vivant dans des campements soit dirigée par les Autochtones afin de promouvoir un dialogue authentique guidé par le respect mutuel, la bonne foi et le désir sincère de parvenir à une entente.
En conclusion, la mise en place d'une approche à l'égard des campements fondée sur les droits de la personne permettra d'instaurer la confiance et d'encourager la participation et la mobilisation des résidents des campements. Elle peut également permettre aux personnes de contribuer à l'élaboration de mesures qui fourniront des logements et des services appropriés, accessibles et adéquat à long terme, ainsi que des mesures pour répondre à leurs besoins immédiats.
Tout en poursuivant la planification de la construction du nouveau carrefour de transport collectif, je vous prie de consulter mes rapports et recommandations afin que vous soyez pleinement au courant de vos obligations en matière de droits de la personne et que vous puissiez vous assurer que vos interventions respectent les droits fondamentaux des personnes en situation d'itinérance dans la région de Waterloo.
Je serais heureuse d'avoir l'occasion de poursuivre le dialogue avec vous pour explorer comment mon bureau, ainsi que les conclusions de mon rapport et mes recommandations peuvent contribuer à une réponse aux campements fondée sur les droits de la personne dans la région de Waterloo.
Je vous prie d'agréer, Madame la présidente, l'expression de mes salutations distinguées.
Marie-Josée Houle
Défenseure fédérale du logement
Pièces jointes :
- Respect de la dignité et les droits de la personne : Examen des campements de personnes en situation d'itinérance de la défenseure fédérale du logement
- Guide pour un engagement significatif et l'intégration d'une approche fondée sur les droits de la personne dans les réponses aux campements
c. c. :
- Jan Liggett, Ville de Cambridge
- Doug Craig, Ville de Cambridge
- Pam Wolf, Ville de Cambridge
- Berry Vrbanovic, Ville de Kitchener
- Colleen James, Ville de Kitchener
- Michael Harris, Ville de Kitchener
- Matt Rodrigues, Ville de Kitchener
- Dorothy McCabe, Ville de Waterloo
- Jim Erb, Ville de Waterloo
- Chantal Huinink, Ville de Waterloo
- Sue Foxton, Canton de North Dumfries
- Joe Nowak, Canton de Wellesley
- Natasha Salonen, Canton de Wilmot
- Sandy Shantz, Canton de Woolwich