Lettre ouverte – Parc CRAB


Monsieur Brennan Bastyovanszky,

Je vous écris pour vous faire part de mes vives inquiétudes concernant l'annonce récente du Vancouver Board of Parks and Recreation, qui prévoit de fermer définitivement la zone désignée temporaire du parc CRAB d'ici le 7 novembre. Lorsque je vous ai écrit en avril pour vous faire part du rapport et des recommandations issus de mon examen des campements de personnes en situation d'itinérance à travers le pays, j'ai souligné que les expulsions forcées constituent une violation des droits de la personne en vertu du droit international. Je vous demande donc instamment de revenir sur cette décision et de mettre en place des politiques et des pratiques qui respectent et protègent les droits des personnes en situation d'itinérance sur le territoire relevant de votre compétence.

J'ai visité le parc CRAB en août 2022 et j'ai rencontré des résidents et des bénévoles pour les entendre parler de leur situation. Depuis lors, mon équipe et moi sommes restés en contact et avons suivi l'évolution de la situation dans le parc. J'ai également eu l'occasion de m'entretenir avec certaines des personnes concernées lors de la conférence de l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance à Ottawa (29-31 octobre 2024). Au cours de ces nombreuses conversations, j'ai appris que les politiques et les pratiques du Board of Parks and Recreation portent atteinte à la dignité des résidents des campements, les mettent en danger et violent leurs droits fondamentaux. Par exemple :

  • L'incapacité à répondre aux besoins essentiels, y compris les restrictions à la capacité des résidents à se loger de manière adéquate et à accéder au chauffage, à la climatisation, à la nourriture, à l'assainissement et à l'hygiène;
  • Le manque de respect de la vie privée des résidents, notamment par des inspections arbitraires des tentes;
  • La destruction ou confiscation arbitraire des biens des résidents, y compris des produits de première nécessité dont elles ont besoin pour survivre, aggravée par une procédure byzantine mise en place pour les résidents qui souhaitent récupérer leurs objets personnels;
  • Les règles et leur application arbitraire qui ne tiennent pas compte des réalités des résidents et ne servent qu'à déstabiliser les gens et à les rendre plus insécurisés; et
  • Le non-respect des droits des Autochtones, y compris des principes de réconciliation nationale.

Je comprends que le Board of Parks and Recreation a l'intention d'essayer de fermer la zone désignée dans le parc CRAB, au moins depuis que les amendements au règlement sur le contrôle des parcs pour les abris temporaires ont été introduits en avril. Cette décision aura un impact bien plus important que pour les 6 personnes ciblées dans le plan de fermeture. Je crois savoir que plus de 100 personnes ont trouvé refuge dans le campement depuis avril 2024.

Je crains également que la fermeture de la zone désignée n'élimine la dernière possibilité pour les personnes en situation d'itinérance de s'abriter pendant la journée. Restreindre les personnes au seul camping de nuit est inhumain et porte atteinte à la dignité des personnes. L'abri contre les intempéries et l'intimité ne sont pas des choses dont les gens ont besoin uniquement la nuit. Des personnes déjà épuisées, voire en mauvaise santé, sont obligées de faire leurs bagages tôt le matin et d'emporter tous leurs biens, sous peine de les perdre. C'est pourquoi j'ai également recommandé, dans mon rapport, de mettre fin à toutes les politiques ou pratiques qui restreignent l'accès aux sites de campement pendant la journée ou qui exigent le démontage des tentes et l'enlèvement des effets personnels pendant la journée.

En avril, j'ai demandé au Board of Parks and Recreation de s'engager dans un véritable processus de dialogue avec les résidents des campements afin d'explorer des solutions fondées sur les principes des droits de la personne. Dans mon rapport final, j'ai donné quelques indications sur ce que devrait être un engagement fondé sur les droits de la personne :

  • L'engagement doit être géré par des personnes en qui les résidents des campements ont confiance.
  • Dans la mesure du possible, les personnes ayant une expérience vécue d'itinérance et de la précarité du logement devraient être employées comme chefs de file et personnes-ressources dans le processus.
  • Valoriser le temps des personnes impliquées dans le processus de participation, notamment en leur versant des indemnités pour compenser leur temps, en leur offrant de la nourriture et des boissons lors des réunions, en mettant à leur disposition des moyens de transport si nécessaire et en veillant à ce que les lieux de réunion soient culturellement sûrs.
  • Veiller à ce qu'il y ait suffisamment de temps pour une participation significative, y compris le temps nécessaire à l'établissement de la confiance et d'une bonne communication.
  • Respecter les protocoles et les processus décisionnels autochtones.
  • Prendre en compte dans tout processus de consultation des communautés les énormes déséquilibres de pouvoir entre les campeurs et leurs voisins logés.
  • Éviter une rotation inutile du personnel ou un trop grand nombre de personnes qui participent.
  • S'engager clairement à assurer un contrôle et un suivi efficaces.
  • Veiller à ce que tous les aspects d'un processus de participation soient documentés et que ces documents soient accessibles au public.

Le processus de consultation décrit dans votre plan de fermeture et le délai très court entre votre annonce et la date limite ne respectent pas ces principes. Je suis fermement convaincu qu'il existe de meilleures solutions que l'expulsion et vous serez en mesure de les cibler si vous investissez dans un engagement significatif plutôt que dans une approche coercitive.

Je reconnais que l'objectif à long terme est de trouver des solutions de logement et des aides adéquates afin que les personnes vivant dans des campements puissent être relogées le plus rapidement possible. En attendant que de telles solutions de logement soient disponibles, les autorités comme le Board of Parks and Recreation ont l'obligation de veiller au respect des droits des personnes en situation d'itinérance.

Comme toujours, je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée de poursuivre le dialogue avec vous afin d'examiner comment mon bureau et les conclusions de mon rapport final peuvent contribuer à l'adoption d'une approche fondée sur les droits de la personne par le Board of Parks and Recreation.

J'attends votre réponse avec impatience.

Sincères salutations,

Marie-Josée Houle
Défenseure fédérale du logement

c. c. : Scott Jensen, Vice-président du conseil d'administration
Laura Christensen, Commissaire
Tom Digby, Commissaire
Angela Haer, Commissaire
Marie-Claire Howard, Commissaire
Jas Virdi, Commissaire
Ken Sim, Maire
Paul Mochrie, City Manager
Francie Connell, Legal Services and City Solicitor
L'honorable David Eby, Premier Ministre
L'honorable Ravi Kahlon, Ministre du logement
L'honorable Sean Fraser
Kasari Govender, Commissaire des droits de la personne
Terry Teegee, Chef régional

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