Allocution d’ouverture au Comité des droits des personnes handicapées


LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Bonjour,

La Commission canadienne des droits de la personne est ravie de comparaître devant le Comité des droits des personnes handicapées à l'occasion de sa 32e session en vue des 2e et 3e examens périodiques du Canada.

Je m'appelle Charlotte-Anne Malischewski et je suis la présidente intérimaire de la Commission. Je suis une femme blanche aux cheveux bruns et je porte des lunettes. Je suis accompagnée aujourd'hui par ma collègue Marcella Daye.

Comme vous le savez, la Commission est l'institution nationale responsable des droits de la personne au Canada, et depuis 2019, l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme lui décerne chaque fois le statut d'accréditation « A ».

En 2019, la Commission a également été désignée Mécanisme national de surveillance en vertu de l'article 33.2 de la Convention. C'est d'ailleurs essentiellement à ce titre que nous nous présentons devant vous aujourd'hui.

Au cours des dernières années, nous avons constaté avec enthousiasme la mise en œuvre de mesures sur des enjeux importants pour les personnes en situation de handicap au Canada, notamment en ce qui concerne la législation relative à l'accessibilité, au logement et à l'aide financière. Ces mesures sont les bienvenues, même si elles auraient dû être prises il y a belle lurette.

Toutefois, comme les personnes en situation de handicap nous l'ont répété à maintes reprises, les véritables progrès restent ténus et beaucoup de travail reste à faire.

Notre mémoire présente les questions sur lesquelles nous nous sommes penchés ainsi que nos recommandations pour y remédier. Plusieurs de ces questions ont été soulevées par des groupes de la société civile à travers le Canada, dont certains sont présents dans la salle avec nous.

J'aimerais attirer votre attention sur trois grandes questions en particulier.

D'abord, l'approche du Canada en matière de droits des personnes en situation de handicap doit être améliorée.

Il nous faut des données plus précises.

  • Les personnes en situation de handicap représentent plus de 27 % de notre population et pourtant, nous ne disposons pas de données détaillées de qualité sur les réalités auxquelles elles sont confrontées.
  • Nous ne disposons pas non plus de données détaillées sur les groupes de personnes en situation de handicap qui ont des identités intersectionnelles comme les Autochtones, les personnes noires et les autres personnes racisées, les femmes, les personnes 2ELGBTQQIA+, les enfants et les jeunes, les personnes présentant des formes non traditionnelles de handicap et les personnes vivant dans la pauvreté.

Le Canada doit respecter le principe « Rien sans nous ».

  • Les personnes en situation de handicap ont des expériences vécues particulières, diverses et uniques.
  • Mais elles ne se sentent pas écoutées.
  • C'est particulièrement le cas pour les personnes détenues, qui vivent dans des institutions ou qui se retrouvent en situation d'itinérance.
  • Leur perspective et leur expertise doivent être prises en compte et être reconnues à leur juste valeur, et aucune décision ne doit être prise sans elles.

Le Canada doit également prendre des mesures pour améliorer substantiellement la situation des personnes en situation de handicap.

  • L'histoire du Canada a longtemps été teintée par un capacitisme structurel, aggravé par la lenteur du processus visant à améliorer les droits des personnes en situation de handicap, ce qui a éventuellement érodé la confiance qu'il convient à présent de rétablir.
  • Pour cela, il faut veiller à ce que les systèmes conçus pour protéger les droits des personnes en situation de handicap soient élaborés par et pour les personnes en situation de handicap.

Le deuxième point que j'aimerais porter à votre attention est l'inégalité socio-économique.

Au Canada, encore trop de personnes en situation de handicap n'ont pas accès au soutien et aux services de base dont elles ont besoin pour vivre dans la dignité, notamment en ce qui concerne les soins de santé, les médicaments et l'équipement.

L'augmentation du coût de la vie creuse un peu plus chaque jour les écarts socio-économiques et touche de manière disproportionnée les personnes en situation de handicap, qui sont confrontées à des taux de pauvreté, de chômage et d'itinérance plus élevés que le reste de la population.

À cela s'ajoute un manque criant de logements adéquats et accessibles qui continue de les pousser vers des situations de vie dangereuses et inacceptables.

Tout cela peut aboutir à un stade de crise face à ces profondes inégalités systémiques, certaines personnes en situation de handicap se tournent vers l'aide médicale à mourir parce qu'elles estiment qu'elles n'ont pas d'autre option.

C'est tout simplement effroyable.

Une seule de ces tragédies est un cas de trop.

Le Canada doit faire mieux.

Le dernier point que j'aimerais porter à votre attention est la concrétisation de la Convention.

Les personnes en situation de handicap méritent d'en savoir plus sur la manière dont la Convention est appliquée au Canada.

Elles veulent voir une différence tangible dans leur quotidien.

Nous sommes toujours préoccupés par la lenteur du Canada à mettre en œuvre les recommandations du système international de protection des droits de la personne, dont celles de ce Comité.

Notre travail en tant que mécanisme national de surveillance du Canada ne peut être accompli seul ou en vase clos.

Le Canada doit pouvoir s'appuyer sur un cadre de mise en œuvre et de surveillance solide s'il veut accomplir des progrès tangibles et cohérents et s'il veut respecter ses obligations.

Je conclurai en disant que la Commission est persuadée que les choses peuvent s'améliorer que le lien de confiance entre le Canada et les communautés de personnes en situation de handicap peut se renouer.

La présence du Canada ici aujourd'hui témoigne de sa volonté de se pencher sur ces questions importantes.

Le désir d'apporter de véritables changements est bien présent, et nous sommes là pour apporter notre soutien et notre collaboration.

Nous sommes reconnaissants envers la société civile et les communautés de personnes en situation de handicap pour leur engagement indéfectible et leur dévouement en faveur des droits de la personne. Ce sont de véritables partenaires.

Nous espérons que le Canada poursuivra ses efforts et continuera à investir dans le travail essentiel de surveillance de cette Convention, avec la société civile comme principal partenaire.

Nous attendons avec impatience le jour où chaque personne au Canada pourra vivre dans la dignité, l'égalité et le respect.

Merci de nous avoir accordé votre temps.

Charlotte-Anne Malischewski
Présidente intérimaire
Commission canadienne des droits de la personne

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