Complet - Mémoire au Comité des droits des personnes handicapées


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1. Commission canadienne des droits de la personne (article 33)

La Commission canadienne des droits de la personne (Commission) est l'institution nationale responsable des droits de la personne au Canada. L'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme lui a décerné le statut d'accréditation « A » d'abord en 1999, puis en 2006, 2011 et 2016.

La Commission a été créée par le Parlement en 1977 à la suite de l'adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Elle a pour mandat général de promouvoir et de protéger les droits de la personne. Indépendante du gouvernement fédéral, la Commission œuvre en faveur d'un Canada inclusif où chaque personne est libre de revendiquer ses droits de la personne et de se créer une vie comme elle l'entend. Ensemble, nous œuvrons à l'avènement d'un Canada où chaque personne peut se sentir incluse et vivre une vie empreinte de dignité, de justice et de respect, et ce, à l'abri de toute discrimination.

Nous nous acquittons de cette tâche essentiellement de trois manières : par la défense des droits de la personne au Canada; par la surveillance et le contrôle du respect des exigences de la Loi canadienne sur l'accessibilité, de la Loi sur l'équité salariale et de la Loi sur l'équité en matière d'emploi par les entités réglementées; ainsi que par l'examen, et lorsque c'est possible, le règlement des plaintes en matière de droits de la personne déposées par des particuliers au Canada qui pensent avoir été victimes de discrimination.

En 2019, la Commission a également été désignée comme organisme responsable de la surveillance de la mise en œuvre par le gouvernement du Canada de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH ou Convention), conformément à l'article 33.2 de la Convention. Bien que cette responsabilité ait été inscrite à l'article 28.1 de la LCDP, le financement prévu pour ce mandat s'est terminé après cinq ans et a officiellement pris fin le 31 mars 2024. Bien que l'engagement de la Commission en faveur de la défense des droits des personnes en situation de handicap se poursuive, la situation actuelle en matière de financement a eu une incidence sur la portée de ce que la Commission est en mesure de faire en tant qu'organisme chargé de la surveillance. La Commission a demandé un financement permanent, mais en attendant, rien n'indique si le financement initial sera renouvelé.

La Commission s'est engagée à travailler avec le gouvernement du Canada ainsi qu'avec les partenaires et les intervenants nationaux et internationaux pour assurer des progrès continus dans la protection des droits de la personne, notamment la mise en œuvre par le Canada des droits et des obligations inscrits dans la CDPH. C'est dans un esprit d'engagement constructif que la Commission présente le présent rapport au Comité des droits des personnes handicapées à l'occasion des deuxième et troisième examens périodiques du Canada.

2. Contexte

En 2020, en tant que Mécanisme national de surveillance de la CDPH, la Commission a entrepris un processus de mobilisation du public auprès des personnes en situation de handicap dans toutes les régions du Canada, auprès d'organisations qui défendent leurs intérêts, ainsi qu'auprès des familles et des proches aidants de ces personnes. Dans le cadre de ce processus, les personnes en situation de handicap ont fait part de leur expérience et de leurs idées pour éliminer les obstacles auxquels elles sont confrontées. Les participants ont indiqué que les personnes en situation de handicap sont victimes de discrimination et de traitements injustes dans de nombreux aspects de leur vie. Ils ont insisté sur la nécessité de faire évoluer la mentalité et les comportements de la société à l'égard des personnes en situation de handicap en misant sur la sensibilisation, l'éducation du public et la formation. Par ailleurs, les participants ont indiqué que les trois principaux enjeux ou domaines de préoccupation étaient la pauvreté, le logement, ainsi que le travail et l'emploi.

D'une manière générale, au Canada, les plaintes de discrimination évoquent le motif de la déficience plus que tout autre motif de distinction illicite. Les dernières tendances indiquent également que la proportion de plaintes relatives à une déficience liées à la santé mentale augmente par rapport à celles liées à des déficiences physiques. À la Commission, entre 2019 et 2024, 51 % des plaintes acceptées ont évoqué une déficience, et 49 % d'entre elles étaient liées à la santé mentale. La majorité de ces plaintes relatives à une déficience sont liées à l'emploi.

De nombreuses plaintes évoquent plus d'un motif de discrimination. Les personnes en situation de handicap qui appartiennent également à d'autres groupes marginalisés sont confrontées à une discrimination supplémentaire et à des barrières systémiques. En appliquant une optique intersectionnelle au handicap, on s'aperçoit que les approches communautaires qui tiennent compte à la fois de la déficience et de l'identité sociale sont cruciales pour l'élaboration de politiques efficaces.

Toutefois, la Commission est préoccupée par le fait que certains groupes ont tendance à ne pas être représentés ou à être sous-représentés lors de la collecte de données, ce qui entraîne des lacunes dans la compréhension des besoins et de la réalité des personnes en situation de handicap au sein des groupes vulnérables. Par exemple, les raisons qui poussent les gens à ne pas porter plainte pour discrimination sont nombreuses, il est donc difficile de savoir, à partir de ces statistiques, si la discrimination fondée sur la déficience est vraiment plus répandue que d'autres formes de discrimination au Canada, ou si d'autres formes de discrimination (telles que la discrimination fondée sur la race, la religion, l'identité ou l'expression de genre, ou l'orientation sexuelle) ne sont tout simplement pas signalées.

La Commission a été informée par des titulaires de droits que, dans toutes les juridictions, les personnes en situation de handicap continuent de rencontrer des obstacles qui entravent les mécanismes d'accès à la justice et à l'égalité, notamment un manque de sensibilisation ou de connaissance des mécanismes de recours et de soutien existants, de longs délais d'attente pour que les problèmes soient résolus, des obstacles financiers, des obstacles à la communication et d'autres limitations.

De nombreux détenteurs de droits ont évoqué un manque de confiance dans les institutions (telles que les tribunaux et les systèmes de police) découlant d'une histoire marquée par la discrimination structurelle et institutionnelle, le capacitisme, la stigmatisation et les mauvais traitements à l'égard des personnes en situation de handicap. Ce manque de confiance est encore accentué par les préoccupations des détenteurs de droits et des défenseurs des personnes en situation de handicap, qui estiment que les priorités visant à améliorer la vie des personnes en situation de handicap tardent souvent à être mises en œuvre et à être appliquées.

Recommandation 1 : Le Canada devrait adopter une approche intersectionnelle et inclusive dans le cadre de l'élaboration de ses politiques et de la collecte de données en intégrant pleinement les membres des communautés de personnes en situation de handicap ayant des expériences vécues diverses et intersectionnelles.

Recommandation 2 : Le Canada devrait redoubler d'efforts pour entretenir une relation de confiance avec les communautés de personnes en situation de handicap en investissant dans des pratiques de mobilisation significatives, en sensibilisant la population aux diverses expériences et réalités vécues par les personnes en situation de handicap, en prenant des mesures pour améliorer de manière significative la situation des personnes en situation de handicap et en investissant davantage dans des mécanismes de lutte contre la discrimination accessibles et inclusifs.

3. Aide médicale à mourir (articles 5, 8, 10, 17, 19)

Le Canada a modifié son code pénal en 2021 pour élargir l'accès à l'aide médicale à mourir (AMM), qui est désormais accessible aux personnes atteintes de « problèmes de santé graves et irrémédiables » et dont la mort naturelle n'est pas « raisonnablement prévisible ». Les experts et les défenseurs des droits de la personne, tant au Canada qu'à l'étranger, continuent de tirer la sonnette d'alarme au sujet des graves répercussions sur droits de la personne que pose l'élargissement proposé et l'actuelle AMM.

La Commission demeure profondément préoccupée par les informations selon lesquelles les personnes en situation de handicap se tournent vers l'AMM parce qu'elles n'ont pas accès au soutien et aux services de base dont elles ont besoin pour vivre dans la dignité. De nombreuses personnes en situation de handicap continuent d'être contraintes de vivre dans des institutions en raison du manque de soutien de proximité et de logements accessibles. Beaucoup ne peuvent accéder aux soins de santé, aux médicaments, à l'équipement et au soutien dont elles ont besoin en raison de difficulté financière ou autres obstacles. Cette situation est aggravée par les effets persistants de la pandémie de COVID-19 et par la crise du logement qui sévit actuellement dans tout le pays. Face aux inégalités systémiques, certaines personnes en situation de handicap ont recours à l'AMM parce qu'elles estiment qu'elles n'ont pas d'autre choix.

Le recours à l'AMM ne devrait pas être le résultat de cette inégalité, ni un substitut lorsqu'un État manque à remplir ses obligations en matière de droits de la personne en vertu de la CDPH, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Charte canadienne des droits et libertés ou des lois en matière de droits de la personne.

Alors que le gouvernement jette un regard critique sur l'élargissement de l'AMM, la Commission l'encourage à profiter de cette occasion pour procéder à un examen approfondi de ce qui s'est passé depuis l'entrée en vigueur de la loi existante. Cela devrait inclure la collecte des preuves et des témoignages nécessaires pour comprendre clairement qui accède à l'aide médicale à mourir et pourquoi. Il s'agit d'une étape cruciale pour identifier et mettre en place les garanties nécessaires pour s'assurer que les personnes ne prennent pas cette décision en raison de préjudices en matière de droits de la personne qui auraient dû être traités d'une autre manière.

La Commission a été informée par des défenseurs des droits de la personne que la consultation des peuples autochtones — Premières Nations, Inuits et Métis — avait été insuffisante jusqu'à présent. Elle a également entendu que les points de vue de certains experts et de personnes ayant une expérience vécue qui ont exprimé des inquiétudes quant à l'élargissement de l'AMM ont été marginalisés. Le Canada doit veiller à ce que les peuples autochtones et les personnes les plus vulnérables soient écoutés et que leurs expériences soient valorisées.

La Commission maintient qu'à une époque où nous reconnaissons le droit de mourir dans la dignité, nous devons faire davantage pour réaliser le droit de vivre dans la dignité.

Recommandation 3 : Avant de prendre d'autres mesures concernant son élargissement, le Canada devrait procéder à un examen urgent et approfondi de ce qui s'est passé depuis l'entrée en vigueur de la législation sur l'AMM, notamment en recueillant les preuves et les témoignages nécessaires pour bien comprendre qui a recours à l'AMM et pourquoi, et en veillant à ce que les expériences et les préoccupations des personnes les plus marginalisées soient écoutées, valorisées et prises en compte.

4. Niveau de vie adéquat et protection sociale (article 28)

4.1 Soutien financier

La Commission reste très préoccupée par le nombre disproportionné de personnes en situation de handicap vivant dans la pauvreté. Au Canada, les personnes en situation de handicap sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes non handicapées.

De nombreuses personnes en situation de handicap ont été exclues des mesures d'aide fédérale au revenu des travailleurs pendant la pandémie de COVID-19. Bien que la Commission reconnaisse que le gouvernement a finalement versé un montant unique (600 $) aux personnes en situation de handicap pour couvrir les dépenses extraordinaires encourues pendant la pandémie de COVID-19, les défenseurs ont souligné que ce montant était insuffisant et ont critiqué la lenteur de la mise en œuvre et les critères d'admissibilité limités de ce paiement.

La Commission accueille favorablement le nouveau programme, intitulé « Prestation canadienne pour les personnes handicapées » (PCPH), qui vise à soutenir la sécurité financière des personnes en situation de handicap. La Commission craint toutefois que le montant maximal de la PCPH (2 400 $ par an) soit beaucoup trop faible pour sortir les bénéficiaires de la pauvreté et leur permettre de vivre dans la dignité. La Commission craint également que les critères d'admissibilité n'excluent de nombreuses personnes en situation de handicap, comme celles qui n'ont pas droit au Crédit d'impôt pour personnes handicapées (CIPH), qui exclut certains types de déficiences, et que les autres aides au revenu des bénéficiaires de la PCPH — dont beaucoup sont déjà en deçà du seuil de pauvreté officiel — ne soient réduites en fonction du montant de la PCPH. La Commission a encouragé le Canada à renforcer considérablement le programme PCPH afin d'assurer un niveau de vie adéquat à toutes les personnes en situation de handicap.

Recommandation 4 : Le Canada devrait renforcer considérablement le Règlement sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées afin que ce nouveau programme contribue de manière significative à sortir toutes les personnes en situation de handicap de la pauvreté et à leur permettre de vivre dans la dignité.

5. Logement (articles 19, 23 et 28)

La Commission est profondément préoccupée par le droit à un logement adéquat pour les personnes en situation de handicap. Dans le cadre des consultations publiques menées par la Commission auprès des personnes en situation de handicap, ces dernières ont indiqué qu'elles étaient confrontées à d'innombrables obstacles et qu'elles ne bénéficiaient pas du soutien nécessaire pour accéder à un logement qui réponde à leurs besoins. Comme nous l'avons déjà mentionné, certaines personnes en situation de handicap se tournent vers l'AMM parce qu'elles n'ont pas accès à un logement et au soutien qui leur permettraient de vivre dans la communauté de manière indépendante et dans la dignité.

Pour mieux comprendre ces réalités, la Commission et le Bureau du défenseur fédéral du logement ont uni leurs efforts pour suivre la mise en œuvre du droit à un logement adéquat pour les personnes en situation de handicap au Canada, grâce à un cadre de surveillance innovant inspiré par des échanges avec des personnes en situation de handicap et des experts.

5.1 Cadre de surveillance et principales conclusions

La Commission et le Bureau du défenseur fédéral du logement retrace les résultats en matière de logement en ce qui concerne les personnes en situation de handicap dans onze domaines clés en utilisant les données publiques de Statistique Canada. Les constatations obtenues à ce jour font écho aux préoccupations exprimées depuis de nombreuses années par les personnes en situation de handicap : ces personnes ont de moins bons résultats en matière de logement que les personnes sans handicap. Plus précisément, les constatations indiquent que, par rapport aux personnes sans handicap, les personnes en situation de handicap sont :

  • quatre fois plus susceptibles de se retrouver en situation d'itinérance et plus de deux fois plus susceptibles de se retrouver en situation d'itinérance cachée
  • plus susceptibles de se retrouver en situation d'itinérance à cause de la violence et des abus, en particulier les femmes en situation de handicap
  • plus susceptibles de vivre dans un logement inabordable, et presque deux fois plus susceptibles de vivre en situation de besoin impérieux en matière de logement
  • plus susceptibles de rater un paiement de loyer ou d'hypothèque en raison de difficultés financières
  • moins susceptibles d'être propriétaires de leur logement
  • plus susceptibles d'être contraints de déménager pour des raisons économiques, notamment des difficultés financières liées à la pandémie de COVID-19. Les difficultés financières sont aussi une cause principale d'itinérance chez les personnes en situation de handicap
  • plus susceptibles de devoir attendre plus longtemps pour accéder à un logement subventionné
  • les personnes autochtones en situation de handicap sont plus susceptibles d'être inscrits sur des listes d'attente pour un logement subventionné que celles sans handicap, et elles restent plus longtemps sur ces listes d'attente
  • plus susceptibles de vivre dans un logement où on trouve de l'eau non potable, une mauvaise qualité de l'air, des infestations d'insectes et d'animaux nuisibles et des problèmes de moisissures
  • les Autochtones en situation de handicap sont plus susceptibles d'avoir des problèmes de moisissures, d'infestations d'insectes et d'avoir vécu dans des maisons qui nécessitaient des réparations importantes que les Autochtones sans handicap
  • plus susceptibles de vivre dans des logements qui ont besoin de réparations majeures, notamment une plomberie qui ne fonctionne pas, des problèmes de câblage électrique ou des problèmes structurels
  • plus susceptibles de vivre dans un logement subventionné
  • moins susceptibles de se sentir en sécurité à domicile ou lorsqu'elles quittent leur domicile
  • moins susceptibles de se sentir comme faisant partie de leur communauté que les personnes sans handicap

Les constatations indiquent également ce qui suit :

  • au Canada, de nombreuses personnes en situation de handicap ne peuvent pas choisir leur lieu de résidence et vivent dans des institutions, telles que des foyers de groupe et des établissements de soins de longue durée (c'est-à-dire des résidences pour personnes âgées ou des centres de soins infirmiers)
  • de nombreuses personnes en situation de handicap ont déclaré qu'elles n'avaient pas le soutien dont elles avaient besoin pour vivre de manière indépendante, tel que l'aide pour se laver, cuisiner, faire le ménage ou faire les courses
  • de nombreuses personnes en situation de handicap n'ont pas de logement qui répond à leurs besoins en matière d'accessibilité. Les refuges pour les personnes en situation d'itinérance et victimes de violence conjugale présentent également des obstacles physiques et manquent d'espaces accessibles aux personnes en situation de handicap
  • les personnes en situation de handicap rencontrent des difficultés à accéder aux services publics en raison de leur lieu de résidence et du manque de transport accessible

5.2 Lacunes dans les données

Grâce au cadre de surveillance, la Commission et le Bureau du défenseur fédéral du logement ont cerné plusieurs lacunes importantes en matière de données. Par exemple :

  • les groupes de personnes en situation de handicap suivants sont souvent exclus des enquêtes nationales : les personnes vivant en institution, les personnes en situation d'itinérance, les enfants handicapés, les personnes vivant dans les régions nordiques et rurales et les membres des Premières Nations vivant dans les réserves
  • certaines enquêtes se concentrent principalement sur les personnes ayant une déficience physique
  • les enquêtes nationales ne demandent pas si les personnes disposent d'un logement qui répond à leurs besoins culturels
  • les données de l'enquête ne sont pas toujours désagrégées

La Commission se fait l'écho des préoccupations exprimées par les défenseurs et les détenteurs de droits, selon lesquelles l'absence de pratiques de collecte de données inclusives a entraîné une pénurie de données désagrégées, ce qui limite la compréhension des réalités auxquelles sont confrontées les personnes en situation de handicap, dont les identités sont diverses et croisées. Ces lacunes dans les données font qu'il est difficile d'évaluer la proportion de personnes en situation de handicap qui disposent d'un logement répondant à leurs besoins. La Commission et le Bureau du défenseur fédéral du logement continuent de plaider pour que le Canada comble ces lacunes en matière de données.

Recommandation 5 : Le Canada devrait veiller à ce que toutes les personnes en situation de handicap puissent exercer pleinement leur droit fondamental à un logement adéquat, notamment en veillant à ce qu'elles soient autonomes dans leur choix de vie, en veillant à ce qu'elles aient accès à un soutien de proximité adéquat pour pouvoir vivre de manière indépendante et dans la dignité, en veillant à ce que les personnes en situation de handicap disposent d'un logement inclusif, accessible, abordable, habitable, convenable, sûr et adéquat sur le plan culturel, et en prévenant la discrimination en matière de logement.

Recommandation 6 : Le Canada devrait prendre des mesures pour protéger les personnes en situation de handicap contre les expulsions, s'attaquer aux causes profondes de l'itinérance et veiller à ce que les refuges et les services d'urgence soient accessibles aux personnes en situation de handicap.

Recommandation 7 : Le Canada doit réexaminer ses lois, règlements, politiques et programmes qui perpétuent les obstacles au logement pour les personnes en situation de handicap, notamment en renforçant les exigences en matière d'accessibilité du code national du bâtiment et les objectifs d'accessibilité des programmes de la Stratégie nationale sur le logement.

Recommandation 8 : Le Canada devrait améliorer sa collecte de données sur l'expérience des personnes en situation de handicap en matière de logement, notamment en veillant à ce que toutes ces personnes soient incluses dans les enquêtes nationales, y compris les personnes vivant en institution, les enfants handicapés, les personnes en situation d'itinérance et en situation d'itinérance cachée, les personnes vivant dans les régions nordiques et rurales, et les membres des Premières Nations vivant dans les réserves.

6. Emploi (articles 27 et 28)

Au Canada, les personnes en situation de handicap continuent d'être confrontées à des obstacles, à la stigmatisation et à des attitudes discriminatoires lorsqu'elles cherchent du travail, lorsqu'elles cherchent à être pleinement intégrées sur le lieu de travail, lorsqu'elles cherchent à obtenir les adaptations nécessaires et lorsqu'elles cherchent à progresser dans leur carrière.

Bien que de nombreuses personnes en situation de handicap soient désireuses et capables de travailler, elles continuent d'être confrontées à des taux de chômage élevés et à un accès limité à des lieux de travail inclusifs. En 2022, le taux de chômage des personnes en situation de handicap était de 6,9 %, soit près du double de celui des personnes sans handicap (3,8 %). Une personne handicapée sur cinq ayant un emploi (20,3 %) a travaillé à temps partiel en 2022, contre 16,2 % pour les personnes sans handicap. Les salaires horaires des employés handicapés étaient inférieurs de 5,5 % à ceux des employés sans handicap, la disparité augmentant avec la gravité de la déficience.

6.1 Équité salariale

L'équité salariale est un facteur important pour réduire la portion de l'écart salarial entre les sexes qui est attribuable à la sous-évaluation historique du travail des femmes et pour faire progresser les droits des personnes en situation de handicap à travailler sur un pied d'égalité avec les autres.

Malgré les progrès réalisés, l'écart salarial entre les sexes reste un phénomène persistant au Canada. En 2023, pour chaque dollar gagné par un homme, une femme touchait 87 cents. L'écart salarial entre les hommes et les femmes est encore plus prononcé pour les femmes en situation de handicap, en raison de l'intersectionnalité des discriminations fondées sur le sexe et le handicap. Des données récentes révèlent que les femmes en situation de handicap gagnent environ 20 % de moins que les hommes handicapés et environ 14 % de moins que les femmes sans handicap. D'autres facteurs identitaires, tels que l'âge, la race ou le statut d'autochtone, ont également pour effet d'exacerber l'écart salarial entre les personnes en situation de handicap et les personnes sans handicap.

Les femmes en situation de handicap sont surreprésentées dans les emplois faiblement rémunérés, à temps partiel ou précaires. Bien souvent, ces fonctions ne sont pas assorties de protections complètes en milieu de travail, et n'offrent pas de formation ni de possibilités d'avancement professionnel. En outre, l'accès limité aux technologies adaptées et mesures d'adaptation du milieu de travail peut empêcher les femmes en situation de handicap de poursuivre des carrières dans des secteurs mieux rémunérés, poussant nombre d'entre elles à occuper des postes sous-évalués et moins bien payés.

Les stéréotypes et les préjugés concernant à la fois le sexe et le handicap peuvent également entraîner une sous-évaluation du travail généralement effectué par les femmes en situation de handicap, même lorsque leur rôle exige des compétences et des responsabilités comparables à celles des postes mieux rémunérés.

Bien que le Canada ait réalisé certains progrès grâce à l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, l'approche actuelle ne permet pas d'atteindre les objectifs suivants en matière d'équité salariale :

  • fournir des données complètes sur l'incidence de la législation en matière d'équité salariale sur divers groupes, tels que les femmes en situation de handicap, ou des renseignements sur les complexités intersectionnelles de l'écart salarial
    • refléter les variations des politiques et de la législation dans les différentes administrations, où l'équité salariale ne s'applique qu'à la main-d'œuvre du secteur privé au niveau fédéral et dans les provinces de l'Ontario et du Québec

Recommandation 9 : Le Canada devrait poursuivre ses efforts avec Statistique Canada pour la collecte et la publication de davantage de données sur les disparités salariales désagrégées par sexe, par handicap, par race et par d'autres facteurs interdépendants. Par exemple, le gouvernement fédéral devrait mener des recherches supplémentaires nécessaires pour mieux comprendre les raisons des schémas systémiques de discrimination salariale à l'encontre des personnes racisées, des Autochtones et des personnes en situation de handicap, en vue d'étendre la Loi sur l'équité salariale au-delà du sexe et du genre.

Recommandation 10 : Le Canada devrait améliorer la collecte de données à l'échelle nationale sur l'écart salarial entre les sexes afin de permettre l'analyse des différences entre les milieux de travail réglementés au niveau fédéral, provincial et territorial.

6.2 Équité en matière d'emploi

La Commission a constaté très peu de progrès dans la représentation des personnes en situation de handicap au sein de l'effectif sous réglementation fédérale. Dans une récente vérification examinant la représentation des personnes en situation de handicap dans le secteur des communications — une grande partie de l'effectif sous réglementation fédérale — la représentation des personnes en situation de handicap (3,7 %) reste très inférieure à leur taux de disponibilité, qui est de 9,1 %. Seule la moitié des employeurs ayant participé à l'enquête ont déclaré que leur milieu de travail était accessible et sans obstacles et, malgré quelques initiatives prometteuses en matière d'équité en matière d'emploi, nombre de ces organisations ne disposaient pas d'un cadre de responsabilisation pour surveiller la mise en œuvre et la réussite de leur plan d'équité en matière d'emploi.

Examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi (LEE)

La législation fédérale canadienne sur l'équité en matière d'emploi fait actuellement l'objet d'un examen, ce qui donne au Canada l'occasion d'inscrire dans la loi des engagements visant à améliorer la situation des personnes en situation de handicap dans les secteurs de l'emploi sous réglementation fédéral.

Bien que l'engagement du Canada à harmoniser la définition des « personnes handicapées » de la LEE avec celle de la Loi canadienne sur l'accessibilité soit prometteur, la Commission reconnaît que pour obtenir une compréhension globale de la manière dont les personnes en situation de handicap vivent le paysage fédéral de l'emploi, des approches nouvelles et créatives sont nécessaires. La Commission a recommandé qu'une LEE modifiée comprenne des exigences en matière de collecte de données qualitatives et désagrège le groupe actuellement désigné comme « personnes handicapées » dans la LEE afin de mieux refléter la diversité de leurs expériences, et afin que les employeurs, les législateurs et le public puissent mieux comprendre comment les obstacles historiques, actuels et émergents à l'emploi affectent les personnes en situation de handicap.

Recommandation 11 : Le Canada devrait veiller à ce que les modifications apportées à la Loi sur l'équité en matière d'emploi comprennent des exigences en matière de collecte de données qualitatives et désagrège le groupe actuellement désigné comme « personnes handicapées » afin de faciliter une meilleure compréhension de la manière dont les obstacles historiques, actuels et émergents à l'emploi affectent les personnes en situation de handicap.

6.3 Ateliers protégés

Le Canada s'est engagé dans l'exploitation par le travail des personnes handicapés par le biais d'« ateliers protégés ». Alors que les ateliers protégés ont pour but d'enseigner aux individus des compétences commercialisables et d'améliorer leur employabilité, le travail est répétitif et facile à apprendre, ce qui se traduit par des taux de transition très faibles vers le marché concurrentiel de l'emploi. La Commission constate que même si les ateliers protégés ont été fermés dans tout le Canada, ils sont toujours en activité dans certaines régions du pays. Peu de données sont disponibles sur le nombre exact de personnes en situation de handicap travaillant aujourd'hui dans des ateliers protégés.

La Commission est préoccupée par le fait que certains employeurs continuent également d'utiliser des pratiques de « travail adapté », en embauchant des personnes en situation de handicap sans leur donner accès aux avantages prévus par la législation sur les normes d'emploi, tels que le salaire minimum ou les congés payés. Le travail adapté perpétue l'appauvrissement et l'isolement des personnes en situation de handicap, contribue à leur ségrégation et perpétue les préjugés quant à leur capacité à participer au marché du travail ordinaire. Ces facteurs augmentent la vulnérabilité à la négligence, aux abus, à l'exploitation et à la maltraitance.

Recommandation 12 : Le Canada devrait prévenir l'exploitation des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, notamment en recourant à des pratiques de travail protégé.

7. Éducation (article 24)

Les enfants en situation de handicap continuent de faire face à des obstacles sociaux et institutionnels systémiques lorsqu'ils tentent d'accéder à l'éducation. Cette situation a une incidence négative sur leur niveau d'éducation, leur formation, leur emploi, leur carrière et leur bien-être général.

Les conséquences de la pandémie, telles que les fermetures d'écoles, le passage à l'apprentissage en ligne et la réduction des services, ont à la fois amplifié les obstacles existants et posé des défis uniques et additionnels pour les enfants et les jeunes en situation de handicap et leurs familles. Pendant la pandémie, les parents d'enfants en situation de handicap étaient plus susceptibles d'être très ou extrêmement préoccupés par la réussite scolaire et la santé mentale de leurs enfants que les parents d'enfants sans handicap.

Selon un rapport d'enquête de la Commission ontarienne des droits de la personne portant sur les questions de droits de la personne concernant les élèves ayant des difficultés en lecture, publié en 2022, les élèves ayant des difficultés en lecture sont plus susceptibles d'abandonner l'école, moins susceptibles de poursuivre des études postsecondaires et ont tendance à prendre plus de temps pour terminer les programmes auxquels ils s'inscrivent. Le rapport indique que ces effets peuvent avoir des conséquences négatives sur l'emploi, entraînant une baisse des revenus, la pauvreté et l'itinérance, ainsi que des taux plus élevés de criminalité et d'incarcération.

Dans le cadre de l'enquête, les adultes atteints de dyslexie ont également évoqué les effets à long terme de l'absence d'apprentissage de la lecture, notamment les problèmes de santé mentale et de toxicomanie, ainsi que les répercussions négatives sur leur emploi.

De même, une étude réalisée en 2023 par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a révélé qu'en raison du manque de personnel spécialisé pour soutenir les enseignants et les élèves en situation de handicap, un peu plus d'un élève en situation de handicap sur quatre au Québec quitte l'école secondaire prématurément, sans avoir obtenu de diplôme ni de qualification.

La Commission reste préoccupée par le manque de mesures d'adaptation et d'aides pour les personnes en situation de handicap dans les écoles du Canada, par l'expérience des enfants en situation de handicap qui sont victimes de brimades et exclus de l'école en raison de leur handicap, et par le manque de services et de financement appropriés pour les enfants en situation de handicap dans le système d'éducation.

Recommandation 13 : Le Canada devrait s'attaquer aux obstacles sociaux et institutionnels systémiques à l'éducation des enfants et des jeunes en situation de handicap. Ces efforts devraient inclure la promotion d'environnements d'apprentissage inclusifs, favorables et accessibles. Ces efforts devraient également permettre d'assurer la coordination entre les différentes administrations du Canada en ce qui concerne ces questions.

8. Accessibilité (article 9)

L'accessibilité reste une préoccupation majeure pour les personnes en situation de handicap au Canada. Dans le cadre des échanges que la Commission a eus avec des personnes en situation de handicap, ces dernières ont indiqué qu'elles continuaient à être confrontées à de nombreux obstacles à l'accessibilité dans tous les aspects de leur vie, notamment dans les édifices et les espaces publics, à l'école, sur le lieu de travail, dans les transports et lorsqu'elles vont voter.

8.1 Législation sur l'accessibilité

Malgré les cinq années qui se sont écoulées depuis l'adoption de la Loi canadienne sur l'accessibilité (LCA), la Commission reste préoccupée par le fait que des obligations concrètes n'ont pas encore été établies en ce qui concerne les domaines prioritaires définis à l'article 5 de la Loi. La Commission note que pour se conformer aux règlements et obligations à venir, les organisations doivent savoir ce qui les attend afin de pouvoir se préparer, planifier, consulter, développer et mettre en œuvre les actions nécessaires. Elle note en outre que les détenteurs de droits doivent être mieux informés sur les prochaines étapes et les échéanciers, ce qui leur permettra également d'être prêts pour les consultations.

La Commission reconnaît que les connaissances en matière d'accessibilité évoluent et que la complexité associée à la réalisation de l'accessibilité varie en fonction de divers facteurs. Pour être appliquées avec succès, le nouveau Règlement doit tenir compte de ces défis et faciliter la mise en place d'environnements propices et de mesures de soutien. Toutefois, de nombreuses organisations ont déjà pris du retard dans l'exécution de leurs obligations initiales au titre du premier ensemble de règlements en vertu de la LCA. Des règlements supplémentaires dans les domaines prioritaires sont nécessaires, mais sans les ressources et le soutien appropriés, les nouvelles exigences pourraient entraîner une augmentation de la non-conformité et des difficultés généralisées pour les organisations responsables de la surveillance, ce qui aboutira à la non-réalisation de l'objectif d'un Canada accessible.

La Commission note également que certaines juridictions canadiennes n'ont pas encore adopté de loi sur l'accessibilité et que les lois provinciales sur l'accessibilité diffèrent dans leur champ d'application et leurs mécanismes de mise en œuvre. La Commission encourage le Canada à assurer une meilleure coordination et une plus grande uniformité des exigences en matière d'accessibilité dans l'ensemble du pays.

Recommandation 14 : Le Canada devrait élaborer et partager un plan assorti d'un échéancier sur la manière dont il prévoit adopter et mettre en œuvre les règlements relatifs à chacun des domaines visés à l'article 5 de la Loi canadienne sur l'accessibilité, ainsi que les mesures qui seront prises pour soutenir les organisations dans la réalisation de leurs obligations.

La Commission note que le Règlement canadien sur l'accessibilité (RCA) prévoyait une exemption de cinq ans pour les communautés des Premières Nations — jusqu'en 2026 — afin de consulter les membres des Premières Nations dans les réserves sur la façon dont la LCA pourrait contribuer à un environnement sans obstacle dans leurs communautés.

Les défenseurs des droits de la personne se sont inquiétés du fait que cette exemption pourrait avoir pour effet de priver de nombreuses personnes en situation de handicap des Premières Nations des protections dont bénéficient les membres d'autres communautés de personnes en situation de handicap. Les défenseurs des droits de la personne ont fait savoir que certaines Premières Nations pourraient ne pas être en mesure de se conformer à la législation existante en matière d'accessibilité en raison du sous-financement chronique et systémique des services de santé, d'infrastructure et du logement pour ces communautés. Le manque de clarté quant à l'application éventuelle de la LCA aux Premières Nations, notamment les conflits avec les principes d'autonomie et d'autodétermination, suscite d'autres inquiétudes. Ces préoccupations risquent de perpétuer l'inégalité systémique dont souffrent actuellement de nombreuses personnes en situation de handicap des Premières Nations.

La Commission reconnaît et respecte le droit inhérent des peuples autochtones à l'autodétermination. Toute législation affectant les peuples autochtones et leurs gouvernements devrait s'inspirer de leurs propres valeurs et traditions. La Commission reconnaît en outre qu'il est nécessaire d'adopter une approche personnalisée de l'application des normes d'accessibilité pour les peuples autochtones afin de répondre aux besoins uniques de chaque communauté, et que les autochtones handicapés doivent eux-mêmes diriger et orienter la manière dont les normes d'accessibilité sont appliquées dans leurs communautés afin de s'assurer que leurs besoins sont pleinement satisfaits. Tout système en matière d'accessibilité doit, dans la mesure du possible, adopter une approche intersectionnelle afin de combler les lacunes en matière de protection et de garantir la cohérence avec les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Recommandation 15 : Le Canada devrait fournir des détails sur les plans visant à combler les lacunes en matière d'infrastructures dans les collectivités autochtones et à garantir la mise en œuvre d'une législation sur l'accessibilité applicable aux communautés des Premières Nations, notamment des détails sur les mesures prises pour garantir que toute législation de ce type est conforme aux principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

8.2 Transport

Malgré les lois et règlements récents visant à protéger le droit des personnes en situation de handicap à un réseau de transport accessible, la Commission constate que les personnes en situation de handicap continuent de faire face à des obstacles et à de la discrimination lorsqu'elles voyagent. Cette situation a été mise en évidence par de récents reportages détaillant certaines des difficultés auxquelles les voyageurs handicapés continuent d'être confrontés.

La Commission insiste sur le fait que les transports accessibles sont fondamentaux pour le travail, la vie de famille, les loisirs et le mieux-être des personnes. Plusieurs personnes en situation de handicap dépendent d'aides à la mobilité, d'animaux d'assistance et des technologies d'assistance lorsqu'elles voyagent. Ainsi, un appareil de mobilité perdu ou endommagé prive les personnes de leur dignité, de leur mobilité et de leur indépendance, et peut constituer un risque pour leur santé. Dans de nombreux cas, il peut également s'agir d'une violation des droits fondamentaux de la personne. La Commission maintient qu'il faut accorder plus d'attention et de soin aux personnes qui dépendent d'aides à la mobilité, d'animaux d'assistance et de technologies d'assistance lorsqu'elles voyagent.

Les appels à la responsabilité lancés par les communautés de personnes en situation de handicap ont incité le Canada à se pencher sur la question de des transports accessibles pour les personnes en situation de handicap. Lors de réunions organisées par le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, les défenseurs ont demandé que des modifications soient apportées aux politiques, aux processus et aux opérations afin d'éliminer les obstacles auxquels se heurtent les voyageurs handicapés.

Les défenseurs ont également demandé une formation cohérente dans l'ensemble du secteur concernant les besoins et les exigences des passagers handicapés, ainsi qu'une amélioration de la surveillance, un meilleur accès à la justice pour les voyageurs, des sanctions pour les fournisseurs de services qui ne respectent pas les règles, et des mécanismes permettant d'identifier les obstacles existants et d'en prévenir de nouveaux.

La Commission soutient les appels lancés par les communautés de personnes en situation de handicap en vue d'éliminer les obstacles et d'améliorer les conditions de déplacement, notamment en éliminant le capacitisme structurel et individuel dans le secteur des transports.

Recommandation 16 : Le Canada devrait protéger les droits des personnes en situation de handicap lorsqu'elles voyagent, notamment en éliminant les obstacles et en s'attaquant au capacitisme et à la discrimination dans le secteur des transports, afin que toutes les personnes en situation de handicap puissent voyager librement, de manière indépendante et dans la dignité.

9. Accès à la santé (articles 17 et 25)

9.1 Obstacles aux soins de santé

Les personnes en situation de handicap rencontrent de nombreux obstacles qui les empêchent d'accéder à des soins de santé sûrs, de qualité et en temps voulu. Il s'agit d'obstacles comportementaux (p. ex., le capacitisme, le « modèle médical » et les hypothèses sur les capacités et les préférences des personnes), physiques (p. ex., des cliniques et des équipements médicaux inaccessibles), financiers (p. ex., l'absence de financement public pour les traitements et les médicaments) et communicationnels (p. ex., un langage complexe et l'absence d'interprètes en langue des signes). Les personnes rencontrent également des obstacles liés à la technologie et au transport (p. ex., des systèmes de transport en commun inaccessibles et un accès à Internet peu fiable), en particulier dans les régions nordiques et rurales. Parmi les autres obstacles, citons les longues listes d'attente, les rendez-vous précipités, le recours excessif à la sédation et au traitement forcé, ainsi qu'une approche « unique » des soins de santé mentale.

Certaines personnes en situation de handicap sont confrontées à d'autres obstacles en matière de soins de santé en raison de leur identité intersectionnelle. Les personnes autochtones et les autres personnes racisées ont déclaré avoir été victimes de racisme, notamment de racisme structurel et systémique, lorsqu'ils ont eu recours aux soins de santé. Il peut s'agir d'hypothèses sur les besoins des patients fondées sur des stéréotypes, de diagnostics erronés fondés sur la stigmatisation et d'un manque de soutien adéquat. Cela peut mettre la vie en danger ou même entraîner la mort de causes évitables.

Les obstacles et les inégalités existants ont été exacerbés lors de la pandémie de COVID-19. Certaines personnes en situation de handicap se sont vu refuser l'accès à des mesures de soutien, des services et des équipements essentiels lorsque les mesures de confinement ont été en place. Certaines provinces ont adopté des « protocoles de triage » pour déterminer comment classer les patients par ordre de priorité si les installations et les équipements médicaux sont surchargés. Les hypothèses et les préjugés capacitistes dans l'élaboration et la mise en œuvre de ces protocoles pourraient avoir pour conséquence que les personnes en situation de handicap se voient refuser l'accès à des soins vitaux. Le manque de transparence concernant ces protocoles est également très préoccupant. La Commission se fait l'écho des appels lancés par les communautés de personnes en situation de handicap pour que les besoins de ces dernières soient pris en compte en priorité lors de la planification et de la réponse aux urgences sanitaires.

Les problèmes de santé mentale ont considérablement augmenté depuis le début de la pandémie de COVID-19, exacerbés par l'anxiété liée à la hausse des facteurs de stress économique et de l'insécurité en matière de logement et d'alimentation. Cependant, la stigmatisation, les obstacles financiers, le manque de personnel et les longues listes d'attente continuent d'empêcher de nombreuses personnes de recevoir des soins de santé mentale.

Il existe également un lien important entre les troubles liés à la consommation de substances et les maladies mentales. Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale, au moins 20 % des personnes atteintes d'un trouble de santé mentale ont un trouble concomitant lié à l'usage de substances. En pleine crise des opioïdes, les personnes ayant un trouble lié à l'usage de substances sont confrontées à des obstacles uniques et à la stigmatisation dans l'accès aux soins en raison d'un manque de soutien et de services accessibles, abordables, tenant compte des traumatismes et fondés sur la réduction des risques au sein de la communauté. La Commission soutient les appels visant à améliorer l'accès aux soins de santé mentale et de toxicomanie en temps opportun.

Les personnes en situation de handicap devraient prendre part à l'élaboration des politiques et des programmes de soins de santé afin que leurs besoins et leurs points de vue soient pris en compte. Les préjugés et les idées reçues sur le handicap ne doivent pas limiter l'accès aux soins de santé et aux renseignements médicaux. Les options thérapeutiques doivent être présentées de manière équilibrée et non dirigée, afin de permettre aux patients de prendre des décisions libres et éclairées.

Recommandation 17 : Le Canada devrait s'attaquer aux obstacles qui empêchent les personnes en situation de handicap d'accéder aux soins de santé et assurer une participation significative des personnes en situation de handicap à l'élaboration des politiques en matière de soins de santé.

Recommandation 18 : Le Canada devrait améliorer l'accès en temps voulu aux soins de santé mentale et de toxicomanie, notamment en augmentant le financement des services de soutien et en s'attaquant aux problèmes qui y contribuent, tels que la pauvreté, le logement et l'insécurité alimentaire. Ces efforts devraient assurer la coordination entre les différentes administrations au Canada.

9.2 Justice en matière de santé reproductive

Historiquement, les politiques de stérilisation au Canada se déroulaient sous le couvert de la santé publique, la stérilisation étant une condition de libération des établissements de santé mentale. Ces politiques ont touché les femmes autochtones de manière disproportionnée. D'autres groupes sont touchés de manière disproportionnée, notamment les femmes noires et racisées, les personnes en situation de handicap, les enfants intersexués et les personnes institutionnalisées.

La Commission reste préoccupée par les informations selon lesquelles la pratique de la stérilisation forcée ou contrainte se poursuit encore aujourd'hui. Les survivants de la stérilisation forcée souffrent de maladies associées et peuvent éviter les services de santé préventifs en raison d'une profonde méfiance à l'égard du système de santé et de ses autorités.

Dans un rapport de 2022, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a recommandé que le Canada prenne des mesures législatives et politiques pour prévenir la stérilisation forcée ou contrainte, notamment en mettant en place des mesures pour lutter contre le racisme, le capacitisme et d'autres formes de discrimination dans les établissements de soins de santé, et en apportant un soutien aux personnes qui cherchent un recours et des soins.

Recommandation 19 : Le Canada devrait mettre en œuvre les recommandations du Comité sénatorial permanent des droits de la personne afin de mettre fin à la stérilisation forcée ou contrainte et de garantir réparation, soutien et justice aux survivants.

La Commission reste préoccupée par les obstacles que rencontrent les personnes trans et de genres divers en situation de handicap quant à l'accès à des soins de santé de qualité. Un rapport publié par Trans PULSE Canada en 2023 a révélé que les personnes participantes trans et non binaires qui s'identifiaient comme handicapées étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des besoins non satisfaits en matière de soins de santé, d'avoir déjà été victimes de discrimination ou d'exclusion au sein des communautés trans ou non binaires en raison de leur handicap, d'avoir évité le diagnostic d'un problème de santé par crainte que cela n'ait une incidence sur leur accès à des soins d'affirmation de genre, et d'avoir déclaré avoir envisagé le suicide au cours de la dernière année.

Selon ce rapport, alors que les personnes sont généralement confrontées à des obstacles liés à l'abordabilité et aux déplacements pour obtenir des soins d'affirmation de genre, les personnes trans et non binaires en situation de handicap sont encore plus susceptibles de ne pas pouvoir payer le traitement ou de ne pas pouvoir se déplacer que leurs homologues sans handicap. Certains ont également déclaré s'être vu refuser des soins d'affirmation de genre en raison de leur handicap.

Les personnes trans et non binaires en situation de handicap sont également plus susceptibles de rencontrer d'autres obstacles à la santé que leurs homologues : elles sont plus susceptibles d'avoir du mal à payer leurs frais de logement mensuels, elles sont moins susceptibles d'éprouver un fort sentiment d'appartenance ou de communauté, et elles sont plus susceptibles d'être victimes de violence et de harcèlement.

Recommandation 20 : Le Canada devrait améliorer de manière significative la santé et le bien-être des personnes trans et de genres divers en situation de handicap, et soutenir la recherche, les politiques et les interventions à cet effet.

10. Justice climatique (article 11)

La crise climatique actuelle, ainsi que les solutions et stratégies d'atténuation proposées, ont des répercussions uniques et disproportionnées sur les personnes en situation de handicap.

Comme elles sont confrontées à des obstacles importants en matière de droits de la personne, notamment en ce qui concerne la sécurité financière, les transports, les soins de santé et l'aide humanitaire, leur vulnérabilité aux effets du changement climatique est également disproportionnée. Par exemple, lors d'une vague de chaleur accablante en Colombie-Britannique au cours de l'été 2021, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap étaient largement surreprésentées parmi les décès liés à la chaleur.

Les effets à long terme du racisme environnemental sur la santé peuvent également contribuer aux handicaps. Les communautés autochtones, noires et autres communautés racisées sont souvent victimes de racisme environnemental, car les industries polluantes et les activités dangereuses pour l'environnement, telles que les décharges, les incinérateurs d'ordures, les usines de charbon et les décharges de déchets toxiques, sont implantées de manière disproportionnée à proximité de leurs quartiers. L'exposition continue aux polluants générés par l'industrie peut avoir des effets négatifs sur la santé et, dans certains cas, entraîner des maladies mortelles.

Par exemple, plusieurs industries polluantes situées à l'intérieur ou à proximité des communautés mi'kmaq et africaines de la Nouvelle-Écosse ont exposé les habitants à de nombreux risques sanitaires, notamment à un risque accru de consommation d'eau potable contaminée par les rejets industriels et le ruissellement de déchets toxiques. Cette situation a une incidence négative sur la santé, car les communautés victimes de racisme environnemental affichent des taux beaucoup plus élevés de cancer, d'autres maladies chroniques et de décès que les autres communautés. Par exemple, même des décennies après la contamination, l'empoisonnement au mercure continue de toucher la Première Nation de Grassy Narrows. La Commission se réjouit des récents efforts législatifs visant à attirer l'attention sur le racisme environnemental et à y remédier, et encourage la poursuite de ces travaux.

La Commission partage les préoccupations selon lesquelles les politiques et pratiques existantes en matière d'atténuation, de préparation et de réponse à la crise climatique en cours ne tiennent pas compte des besoins des personnes en situation de handicap au Canada. Selon un rapport du Programme de recherche sur les actions climatiques inclusives en matière de handicap du McGill Centre for Human Rights & Legal Pluralism, les politiques et les programmes de lutte contre le changement climatique au Canada ne tiennent pas compte de manière adéquate et significative des besoins et des réalités des personnes en situation de handicap.

Recommandation 21 : Le Canada devrait veiller à ce que les actions climatiques et environnementales ainsi que les programmes, politiques et initiatives d'urgence en matière de climat et d'environnement incluent de manière significative les personnes en situation de handicap, ainsi que les peuples autochtones et les autres populations touchées de manière disproportionnée, et ce, à tous les stades de la planification, de la mise en œuvre et de l'évaluation.

11. Capacité juridique (article 12)

La Commission reconnaît que la ratification de la CDPH par le Canada comprenait une déclaration interprétative et une réserve conditionnelle à l'égard de l'article 12. Cette réserve prévoit en ternes généraux que le Canada se réserve le droit de continuer à utiliser d'autres mesures de représentation relatives à l'exercice de la capacité juridique dans des circonstances appropriées et sous réserve de garanties appropriées et efficaces. Comme cela a déjà été mentionné devant ce Comité, les personnes en situation de handicap et les organisations qui défendent leurs intérêts ont demandé au Canada de retirer cette réserve.

Le refus de la capacité juridique empêche les personnes en situation de handicap d'exercer pleinement leur autodétermination et leur autonomie. La Commission note que, depuis que le Canada a ratifié la CDPH, l'accès aux régimes décisionnels assistés et leur reconnaissance restent inégaux dans le pays. En conséquence, de nombreuses personnes en situation de handicap, en particulier les personnes ayant des handicaps psychosociaux ou intellectuels et des troubles du développement, continuent de se voir refuser leur capacité juridique.

La Commission note que les régimes de capacité juridique doivent respecter les principes des droits de la personne. Ces régimes doivent préserver l'autonomie des personnes et respecter leur volonté et leurs préférences dans la plus grande mesure possible. Pour appliquer pleinement l'article 12, le Canada devrait remplacer les régimes décisionnels de substitution par des régimes décisionnels assistés et veiller à ce que des garanties appropriées et efficaces soient mises en place pour prévenir les abus, y compris des examens réguliers et indépendants des mesures qui limitent la capacité juridique des personnes. Le Canada devrait également veiller à ce que les personnes en situation de handicap aient accès au soutien et aux adaptations dont elles ont besoin pour exercer leur capacité juridique, notamment l'accès à des réseaux d'assistance légalement reconnus qui peuvent aider les personnes à prendre des décisions, si nécessaire.

Recommandation 22 : Le Canada devrait fournir des renseignements sur les mesures qu'il a prises pour parvenir à la pleine mise en œuvre de l'article 12 et assurer la coordination entre les juridictions sur les questions de capacité juridique.

12. Personnes privées de leur liberté (articles 14, 15, 17, 19)

12.1 Système de justice fédéral

Un ensemble de facteurs complexes et croisés est à l'origine du « pipeline vers la prison » ou vers d'autres lieux de détention, et de l'incarcération excessive de certains segments de la population. Ces facteurs comprennent le désavantage historique; le racisme systémique et institutionnel; la colonisation et le système des pensionnats; la discrimination et la violence; les préjugés raciaux et les stéréotypes qui perpétuent les injustices raciales quotidiennes; les disparités socio-économiques, dont les niveaux croissants d'itinérance et de campements, les logements inadéquats et le manque de possibilités d'éducation et d'emploi; le manque de services et de soutiens communautaires et de santé appropriés et adaptés à la culture; et les interventions policières excessives auprès de certains groupes, notamment les Autochtones, les personnes noires et les autres personnes racisées, les personnes ayant un handicap lié à la santé mentale et les personnes en situation d'itinérance.

La Commission reste profondément préoccupée par le nombre croissant de rapports faisant état d'interactions préjudiciables et mortelles entre la police et des personnes autochtones, noires et d'autres personnes racisées, souvent ayant des handicaps liés à la santé mentale. La police est souvent le premier intervenant dans les situations impliquant des personnes ayant un handicap lié à la santé mentale et dispose d'un pouvoir discrétionnaire considérable quant à la manière de réagir, ce qui peut conduire à la criminalisation — et par la suite à l'institutionnalisation — des personnes ayant un handicap lié à la santé mentale et de celles qui se trouvent dans une situation vulnérable. Cela a mené à de récents appels en faveur d'une réforme systémique des services de police partout au Canada.

La Commission note également que des disparités supplémentaires dans le système de justice pénale du Canada peuvent contribuer à la surincarcération de certains groupes. Par exemple, bien qu'elles aient besoin de davantage d'alternatives reposant sur un traitement, la plupart des personnes ayant un handicap lié à la santé mentale passent par les procédures judiciaires habituelles et complexes sans bénéficier du soutien nécessaire, ce qui exacerbe souvent les difficultés auxquelles elles sont confrontées et les enferme davantage dans un système de justice pénale qui n'est pas conçu pour répondre à leurs besoins.

Recommandation 23 : Le Canada devrait adopter une approche inclusive du handicap dans les réformes du système de justice pénale — notamment dans les pratiques policières et les instances judiciaires — afin de remédier aux incidences disproportionnées et négatives sur les groupes en situation de vulnérabilité, tels que les personnes ayant un handicap lié à la santé mentale.

Détenus en situation de handicap

La Commission remarque que la proportion de détenus en situation de handicap continue d'augmenter dans les prisons fédérales, les handicaps liés à la santé mentale étant plus répandus dans les prisons canadiennes que dans la population générale. Les personnes ayant des handicaps liés à la santé mentale constituent l'une des populations les plus vulnérables dans les établissements correctionnels. Toutefois, ces établissements ne disposent pas des capacités, des ressources et des infrastructures nécessaires pour répondre aux besoins de cette population croissante et diversifiée. Nombre d'entre elles sont incarcérées dans des lieux mal équipés pour répondre de manière appropriée à leurs symptômes et à leurs comportements, ce qui peut souvent exacerber leurs handicaps liés à la santé mentale.

Le problème est particulièrement aigu dans les prisons réservées aux femmes, où la grande majorité des femmes purgeant une peine fédérale ont de problèmes de santé mentale. Ces femmes sont plus susceptibles d'être placées en sécurité maximale et un grand nombre d'entre elles s'automutilent de façon chronique et répétitive, ou ont un comportement suicidaire. Le Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) a souligné que ce problème systémique touche de manière disproportionnée les femmes autochtones, notant que « presque toutes les femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral ont reçu un diagnostic de trouble mental, actuel ou à vie, et sont identifiées comme ayant des besoins modérés à élevés en matière de toxicomanie ».

Les incidents liés au recours à la force sont également fréquents parmi les prisonniers fédéraux souffrant de troubles mentaux. Dans son rapport annuel 2017-2018, le BEC a indiqué que 41 % des incidents de recours à la force signalés entre octobre 2016 et février 2018 ont impliqué au moins une personne aux prises avec des problèmes de santé mentale documentés. Cependant, le BEC a également constaté un « manque d'indicateurs administratifs fiables en matière de santé mentale », ce qui pose des problèmes pour déterminer la proportion de personnes impliquées dans des recours à la force ayant des problèmes de santé mentale.

Les prisonniers avec d'autres handicaps, ainsi que les prisonniers vieillissants et âgés, sont également vulnérables à la victimisation et résident souvent dans des établissements inaccessibles et mal équipés pour gérer leurs besoins en matière de soins de santé. Cela a de graves conséquences sur leur santé, leur sécurité, leur dignité et leurs droits de la personne.

En 2019, la Commission et le BEC ont publié un rapport conjoint mettant en évidence les défis associés aux détenus âgés, notamment la gestion des problèmes de santé chroniques, l'accessibilité et les mesures d'adaptations pour les personnes en situation de handicap. Parmi cette population croissante de prisonniers, nombreux sont ceux qui vivent avec de multiples handicaps physiques, cognitifs et/ou mentaux.

Recommandation 24 : Le Canada devrait prendre des mesures urgentes et significatives pour remédier à l'usage disproportionné de la force à l'encontre des personnes avec handicaps liés à la santé mentale, et mettre en œuvre les recommandations formulées par divers comités, organismes de surveillance et défenseurs afin d'améliorer l'accès des personnes incarcérées dans les prisons fédérales à des services de santé mentale fondés sur des données probantes et adaptés à leur culture, en temps opportun et sur une base continue.

Recommandation 25 : Le Canada devrait prendre des mesures pour s'assurer que les infrastructures et les programmes répondent aux besoins en matière d'accessibilité et de mesures d'adaptation de tous les détenus, notamment les détenus âgés et les détenus ayant des handicaps multiples.

La Commission remarque que certains progrès ont été réalisés en ce qui concerne les mesures d'adaptation aux troubles liés à l'usage de substances dans les établissements correctionnels fédéraux et la fourniture de soins de santé adéquats et appropriés dans de telles situations. Ces progrès ont permis de répondre aux préoccupations selon lesquelles les détenus fédéraux ayant des troubles liés à l'utilisation d'opioïdes courent un plus grand risque de surdose mortelle et d'infection par le VIH ou l'hépatite C en raison des obstacles au traitement, notamment l'absence d'initiatives de réduction des méfaits et de thérapie psychosociale adéquates. Dans le cadre d'un accord de collaboration entre les Services juridiques des prisonniers, la Commission et Services correctionnels du Canada (SCC), SCC s'est engagé à améliorer les services de santé pour les personnes détenues ayant un trouble lié à l'utilisation d'opioïdes. La Commission continue de surveiller les progrès réalisés par SCC dans la lutte contre la crise des opioïdes dans les établissements correctionnels fédéraux, notamment l'élaboration et la mise en œuvre de traitements psychosociaux et de stratégies de soutien fondés sur des données probantes et adaptés à la culture.

Unités d'intervention structurées (UIS)

La Commission reste profondément préoccupée par les informations selon lesquelles les prisonniers détenus dans les « unités d'intervention structurées » (UIS) continuent à être soumis à des conditions d'isolement. La forte prévalence de troubles de santé mentale parmi les personnes admises et détenues dans les UIS et la durée de leur détention par rapport à celle des autres sont particulièrement préoccupantes. Le régime des UIS donne un large pouvoir discrétionnaire à SCC pour décider si, quand et pour combien de temps un prisonnier doit être confiné dans des conditions isolées et restrictives.

La Commission maintient qu'un contrôle externe indépendant et durable est essentiel pour garantir la protection des droits de la personne des personnes détenues dans les UIS. Alors qu'un comité consultatif distinct sur la mise en œuvre des UIS a été mis en place pour examiner et évaluer le système au cours de ses premières années de fonctionnement, ce comité a été mandaté pour expirer sans garantie de renouvellement. En outre, le dernier rapport annuel du groupe d'experts a conclu qu'il n'y avait pas eu d'« amélioration importante ou constante des opérations sur une période de quatre ans ».

Recommandation 26 : Le Canada devrait prendre des mesures pour s'assurer que le régime actuel des UIS ne continue pas à créer des conditions d'isolement de facto pour les prisonniers, y compris ceux ayant des handicaps liés à la santé mentale.

Recommandation 27 : Le Canada devrait mettre en place un organisme de surveillance indépendant et efficace pour contrôler le fonctionnement du régime des UIS.

12.2 Institutionnalisation

De nombreuses personnes en situation de handicap sont contraintes de vivre dans des institutions en raison du manque de soutien communautaire adéquat et d'options de logement accessibles. En plus d'être privées de leur autonomie et de leur droit à vivre de manière indépendante dans leur communauté, les personnes placées en institution sont plus exposées à la violence et aux risques sanitaires, tels que la COVID-19.

Les efforts de désinstitutionnalisation du Canada ont été lents et inégaux dans le pays. Par exemple, en réponse à une plainte pour violation des droits de la personne déposée en 2014, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a jugé en 2021 que la province faisait systématiquement preuve de discrimination à l'égard des personnes en situation de handicap en les plaçant inutilement en institution, en les soumettant à des temps d'attente indéfinis pour bénéficier de services et en les déplaçant de force dans des régions éloignées. Dans ce cas, la mesure corrective systémique comprenait un plan quinquennal de désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap par le gouvernement. Toutefois, un rapport de suivi indépendant publié en 2024 a révélé que les progrès de la province dans la mise en œuvre de ce plan ont été lents et inégaux jusqu'à présent.

La Commission a plaidé en faveur de l'amélioration de la collecte et de la transparence des données sur les personnes placées en institution, car le Canada ne dispose pas de données complètes et fiables dans ce domaine. Étant donné que les personnes vivant en institution sont exclues de la plupart des enquêtes nationales, il est actuellement difficile de déterminer combien de personnes en situation de handicap vivent dans les grandes institutions, les hôpitaux, les prisons et les établissements correctionnels, les centres de détention pour immigrants et les refuges pour réfugiés, les systèmes de protection de l'enfance, les itinérants et les centres d'hébergement d'urgence. Selon le recensement de 2021, 61 710 personnes vivaient dans des foyers de groupe pour personnes en situation de handicap et toxicomanes, et 7 590 personnes de moins de 55 ans vivaient dans des établissements de soins de longue durée. Étant donné que les établissements de soins de longue durée sont principalement conçus pour les personnes âgées, la Commission maintient qu'ils ne constituent pas une option de logement appropriée pour les jeunes handicapés.

De nombreuses personnes en situation de handicap sont également placées d'office dans des établissements de santé mentale en vertu des lois sur la santé mentale et la tutelle. La Commission est préoccupée par les rapports selon lesquels certaines provinces prévoient étendre la détention et le traitement involontaires des personnes ayant des troubles de santé mentale et de toxicomanie. La Commission reste également préoccupée par l'absence de contrôle et de surveillance indépendants des établissements de santé mentale au Canada.

Recommandation 28 : Le Canada devrait fournir du soutien communautaire adéquat pour garantir que les personnes en situation de handicap disposent d'alternatives appropriées au placement en institution afin qu'elles puissent vivre dans la dignité et de manière indépendante au sein de leur communauté.

12.3 Ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture

Pour que le Canada respecte les normes internationales en matière de surveillance indépendante des lieux de privation de liberté, la Commission continue de demander au Canada de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (PF-CCT). Le PF-CCT pourrait offrir un cadre pour une protection plus cohérente et proactive des droits de la personne pour les personnes détenues dans toutes les juridictions. Bien que le Canada se soit engagé à donner la priorité à la ratification du PF-CCT lors de son dernier examen périodique universel, il n'a toujours pas fourni de renseignements supplémentaires sur les mesures prises en ce sens.

Recommandation 29 : Le Canada devrait signer, ratifier et mettre en œuvre le PF-CCT sans délai, notamment en désignant un mécanisme national de prévention approprié afin de garantir une surveillance, un contrôle et des rapports indépendants permanents et renforcés dans tous les lieux de détention.

13. Personnes autochtones en situation de handicap (articles 5, 6, 7, 17, 19)

La Commission considère la situation des personnes autochtones au Canada comme l'une des questions les plus urgentes en matière de droits de la personne auxquelles le Canada est confronté aujourd'hui. Les personnes autochtones du Canada continuent d'être considérablement désavantagés en termes d'éducation, d'emploi et d'accès aux besoins fondamentaux tels que l'eau, la sécurité alimentaire et le logement. Ces désavantages sont encore plus complexes pour les autochtones handicapés. Alors que le taux de handicap est nettement plus élevé chez les Premières Nations et les Métis vivant hors réserve que dans les groupes non autochtones, la recherche de services oblige les autochtones à adopter une conceptualisation coloniale du handicap, car ce concept tel qu'il est compris dans les contextes occidentaux n'existe pas dans certaines cultures autochtones.

13.1 Services équitables et adéquats

Les services dirigés et fournis par les Autochtones sont souvent assortis d'un financement restrictif qui réduit leur capacité à servir leurs communautés. De nombreux demandeurs de services ne disposent pas des ressources nécessaires pour s'orienter dans des systèmes et des programmes complexes, et peuvent être confrontés au racisme, mais aussi au capacitisme et à d'autres formes de discrimination.

La Commission a reçu de nombreuses plaintes concernant la prestation de services, en particulier les services à l'enfance et à la famille. Une décision historique rendue en 2016 par le Tribunal canadien des droits de la personne à la suite d'une plainte déposée par la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l'Assemblée des Premières Nations a conclu que le Canada exerçait une discrimination à l'égard des enfants et des familles des Premières Nations en ce qui concerne la prestation de services. Le Tribunal a également jugé le gouvernement responsable de ne pas avoir correctement mis en œuvre le principe de Jordan — un principe de priorité à l'enfant qui promeut l'égalité réelle en veillant à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient des services dont ils ont besoin, en tenant compte de leur situation géographique, historique et culturelle. Plus récemment, le Tribunal canadien des droits de la personne a ordonné au Canada de résorber l'arriéré de demandes au titre du principe de Jordan, qui fait que certains enfants attendent des mois avant de recevoir les soins dont ils ont besoin.

Au Canada, les enfants autochtones handicapés continuent d'être retirés de leur foyer en raison de l'absence de services de soutien appropriés dans leurs communautés. Certaines familles craignent de déclarer le handicap d'un membre de leur famille en raison du risque de séparation.

La Commission a reçu un certain nombre de plaintes déposées par des enfants ou des familles autochtones ou en leur nom, concernant la disponibilité et le financement d'un large éventail de services publics offerts dans les réserves. Par exemple, une Première Nation de l'Ontario a déposé une plainte pour violation des droits de la personne, alléguant que le gouvernement fédéral fait preuve de discrimination en ne fournissant pas un financement et un soutien suffisants pour permettre la prestation de services d'éducation spéciale appropriés aux enfants des Premières Nations ayant des besoins éducatifs liés à un handicap et vivant dans une réserve en Ontario.

Le sous-financement chronique des services essentiels et les nombreuses disparités en matière de santé auxquelles sont confrontées les communautés autochtones peuvent être attribués à l'héritage du colonialisme et aux effets intergénérationnels des traumatismes et des génocides. Selon le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (le rapport), les survivants des pensionnats sont plus susceptibles de présenter divers problèmes de santé physique et mentale, de signaler des niveaux plus élevés de détresse psychologique et une moins bonne santé auto-évaluée, et de recevoir un diagnostic de diverses maladies chroniques, par rapport à ceux qui n'ont pas été scolarisés dans les pensionnats. Bien que l'accès à des services culturellement appropriés et pertinents ait été identifié comme l'un des facteurs les plus importants pour la guérison des survivants des pensionnats, le rapport a révélé que 1) il n'y a pas assez de centres de traitement et de guérison qui sont pertinents sur le plan culturel pour les peuples autochtones au Canada, et 2) un financement stable, suffisant et fiable est un obstacle pour ceux qui existent.

Recommandation 30 : Le Canada devrait veiller à ce que les services destinés aux personnes autochtones en situation de handicap soient équitables, adéquats et culturellement adaptés, et à ce que les Premières Nations, les Inuits et les Métis aient accès à des services qui leur soient pertinents et appropriés, en fonction de leur culture et de leur identité distinctes, et à ce qu'ils aient la possibilité de rester dans leur communauté tout en recevant des soins.

La disponibilité de données complètes et désagrégées sur les personnes autochtones en situation de handicap est limitée, ce qui brouille la compréhension des expériences et des besoins de ces groupes. Ce problème contribue à l'apparition d'obstacles et de disparités, et nuit à la capacité des membres de la communauté à défendre et à mettre en œuvre efficacement des solutions communautaires.

Recommandation 31 : Le Canada devrait investir dans l'amélioration des pratiques de collecte de données. Il s'agit notamment d'inclure de manière significative les peuples autochtones dans les processus de collecte de données et les efforts de transparence, de financer adéquatement la collecte de données désagrégées afin de garantir que les données reflètent les expériences intersectionnelles de divers groupes, et de veiller à ce que les données soient clairement communiquées et facilement accessibles aux détenteurs de droits.

13.2 Suicide des enfants et des adolescents

Les taux de suicide et d'idées suicidaires sont disproportionnés chez les jeunes autochtones du Canada par rapport aux jeunes non autochtones. En 1995, un rapport spécial publié par la Commission royale sur les peuples autochtones estimait que le taux de suicide chez les jeunes autochtones était cinq (5) à six (6) fois plus élevé que chez les jeunes non autochtones au Canada. Au cours des trois dernières décennies, ces chiffres sont demeurés en grande partie inchangés, les jeunes autochtones continuant à courir un risque élevé de suicide. Les communautés inuites sont particulièrement exposées et connaissent un taux de suicide environ neuf (9) fois supérieur à celui des non-autochtones.

Il y a de multiples raisons multidimensionnelles pour lesquelles ces taux sont disproportionnellement élevés. Par exemple, les effets persistants du système des pensionnats, la manière dont les services de protection de l'enfance et de santé mentale sont fournis, la marginalisation sociale et économique des peuples autochtones en général et une variété de questions structurelles contribuent à cette situation.

Recommandation 32 : Le Canada devrait soutenir les mesures de prévention du suicide chez les jeunes autochtones, notamment en veillant à la disponibilité des services de santé mentale adaptés à la culture et dotés de ressources suffisantes dans les communautés autochtones et les centres urbains.

13.3 Femmes, filles, personnes bispirituelles et personnes de diverses identités de genre autochtones disparues et assassinées

Les femmes autochtones et les personnes de diverses identités de genre en situation de handicap sont confrontées à des obstacles uniques et aggravés en matière de droits de la personne. Les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre autochtones sont beaucoup plus susceptibles de faire face à la violence fondée sur le genre que d'autres groupes au Canada. Ce risque est aggravé pour les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre autochtones en situation de handicap. La prise en charge du handicap et l'accès aux soins de santé figurent parmi les raisons les plus fréquentes qui poussent les membres des Premières Nations à quitter leur communauté pour s'installer dans un centre urbain, ce qui les rend plus vulnérables à la violence et aux abus. L'histoire des mauvais traitements, des abus et du racisme structurel a contribué à créer une relation de méfiance entre les peuples autochtones et les systèmes judiciaire et de santé, ce qui contribue encore plus à la vulnérabilité.

Dans son rapport final, l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées formule plusieurs recommandations pour lutter contre l'épidémie de violence à laquelle sont confrontés les Autochtones, notamment en améliorant l'accès aux services de soutien et en s'attaquant au racisme structurel dans les systèmes judiciaire et de santé.

Les peuples autochtones ont demandé la mise en place de mécanismes de protection des droits de la personne qui leur soient propres, afin de contribuer à lever les obstacles uniques et complexes auxquels ils sont confrontés dans l'accès à la justice, notamment ceux mentionnés ci-dessus. En 2023, le Canada a nommé un représentant spécial ministériel qui a formulé des recommandations détaillées sur la création d'un poste d'ombudsman national des droits des Autochtones et des droits de la personne dans un rapport publié en mai 2024. La Commission appuie pleinement la création de mécanismes de protection des droits de la personne pour les peuples autochtones du Canada.

Recommandation 33 : Le Canada devrait mettre pleinement en œuvre les recommandations du rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Recommandation 34 : Le Canada devrait mettre en œuvre sans délai les recommandations formulées par le représentant spécial ministériel.

14. Femmes en situation de handicap (article 6)

La prévalence du handicap au Canada est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (30 % contre 24 %). Les femmes en situation de handicap sont confrontées à des obstacles systémiques uniques et à des désavantages socio-économiques qui ont une incidence négative sur leur bien-être.

Les femmes en situation de handicap ont un écart de revenu prononcé et des taux de pauvreté plus élevés que les autres personnes en situation de handicap et les femmes non handicapées, en raison des obstacles à l'éducation et à l'emploi. Lors d'un événement organisé par la Commission en 2022, les femmes en situation de handicap ont fait savoir qu'elles se sentaient souvent privées de moyens financiers et juridiques, ce qui limitait leur indépendance, leur sécurité et leur autonomie. Par exemple, elles risquent de voir leur soutien au revenu réduit si elles choisissent de vivre avec leur partenaire. Inversement, elles peuvent avoir de la difficulté à quitter une relation violente si elles sont financièrement dépendantes de leur partenaire.

Les femmes en situation de handicap sont également confrontées à des obstacles dans le système juridique, tels que les barrières de communication et les préjugés sur leurs capacités. Ces facteurs augmentent leur vulnérabilité à la violence et à l'exploitation, notamment la traite des personnes. Parmi les personnes ayant vécu une relation intime, 55 % des femmes en situation de handicap ont déclaré avoir subi une forme de violence de la part de leur partenaire intime. Ces risques sont accrus pour les personnes subissant des formes d'oppression intersectionnelles.

Recommandation 35 : Le Canada devrait veiller à ce que les femmes en situation de handicap bénéficient d'un soutien financier adéquat qui ne soit pas affecté par leur statut relationnel ou leurs conditions de vie.

Recommandation 36 : Le Canada devrait éliminer les obstacles du système juridique et soutenir l'autonomisation juridique et financière des femmes en situation de handicap.

15. Autres questions

15.1 Personnes âgées en situation de handicap

La Commission reste très préoccupée par les obstacles auxquels sont confrontées les personnes âgées en situation de handicap. Au Canada, les personnes âgées sont plus susceptibles d'avoir un handicap et sont donc confrontées à des formes intersectionnelles de discrimination, notamment l'âgisme et le capacitisme.

Les personnes âgées en situation de handicap au Canada continuent d'être l'une des populations les plus vulnérables, en particulier celles qui vivent seules. Les personnes âgées en situation de handicap sont confrontées à des charges financières disproportionnées et celles qui signalent des besoins financiers courent un risque accru d'être victimes d'abus, de violence ou de mauvais traitements. Elles sont également plus susceptibles de souffrir d'isolement social et de solitude, ce qui se traduit par des problèmes de santé physique et mentale. Cette situation est particulièrement fréquente chez les adultes célibataires, les femmes, les immigrants et les personnes vivant dans les zones rurales. Elle s'explique en partie par le manque de programmes d'inclusion sociale efficaces et accessibles, ainsi que par l'absence de données complètes sur l'efficacité et l'utilisation de ces programmes.

Ces préoccupations en matière de droits de la personne sont, en partie, favorisées par les lacunes existantes dans les systèmes de protection des droits de la personne nationaux et internationaux. Comme l'a souligné le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le cadre juridique international relatif aux droits de la personne des personnes âgés reste fragmenté et incomplet, comportant des lacunes évidentes en matière de protection. La Commission note qu'en mai 2024, le Groupe de travail à composition non limitée des Nations Unies sur le vieillissement a formulé des recommandations pour combler cette lacune, notamment en recommandant l'adoption d'un instrument international juridiquement contraignant pour garantir la reconnaissance des droits des personnes âgées.

La Commission se fait l'écho des détenteurs de droits et des défenseurs des droits de la personne en faveur d'une reconnaissance explicite des personnes âgées dans la législation internationale sur les droits de la personne, afin de mieux les protéger et s'attaquer aux obstacles uniques auxquels elles sont confrontées.

Recommandation 37 : Le Canada devrait participer à des initiatives visant à promouvoir, protéger et garantir les droits des personnes âgées, notamment en soutenant la reconnaissance explicite des personnes âgées dans le droit international relatif aux droits de la personne.

15.2 Technologie et intelligence artificielle

La Commission reconnaît que l'intelligence artificielle (IA) peut fournir des outils utiles et de nombreux avantages à la société lorsqu'elle est développée et déployée de manière responsable, en utilisant une approche fondée sur les droits de la personne, mais qu'elle présente également un certain nombre de risques et de préoccupations en matière de droits de la personne.

Comme l'a noté le rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, les technologies basées sur l'IA « offrent d'énormes possibilités d'inclusion des personnes ayant un handicap ». Toutefois, sans un engagement et une participation continus des personnes en situation de handicap dans les phases de conception, de développement et de déploiement des systèmes d'IA, ces systèmes risquent également de renforcer et d'amplifier les schémas de discrimination existants. Par exemple, l'utilisation d'outils d'IA pour trier et sélectionner les candidats à l'emploi peut avoir pour effet d'aggraver l'exclusion lorsque les ensembles de données qui décrivent un candidat retenu reflètent les préjugés existants et ne représentent pas les personnes en situation de handicap. Cela peut renforcer les cycles de pauvreté et d'autres formes de désavantages systémiques subis par les membres des communautés de personnes en situation de handicap d'une manière difficile à détecter.

Une série de nouveaux outils d'évaluation, de lignes directrices, de codes de conduite volontaires, de directives et de propositions législatives sont en cours d'élaboration pour remédier à la réglementation limitée qui entoure les technologies émergentes dans l'industrie technologique. La Commission note que ces développements aboutissent à un ensemble croissant de garanties disparates pour les personnes en situation de handicap, sans responsabilités claires ni voies d'accès à la justice. Elle partage les vives inquiétudes des titulaires de droits, des défenseurs et des experts quant à l'évolution rapide des systèmes d'IA qui, en l'absence d'un cadre juridique et politique solide et complet, risquent d'éroder encore davantage la vie privée et d'avoir des répercussions négatives sur les droits de la personne.

Il est essentiel que les gouvernements et l'industrie privée mobilisent de manière significative les communautés de personnes en situation de handicap dans la recherche, le développement et la réglementation des systèmes d'IA.

Recommandation 38 : Le Canada devrait donner la priorité à l'adoption d'un cadre juridique et réglementaire complet pour la gouvernance de l'IA qui soit conforme à ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne, notamment en mobilisant de manière significative et continue les communautés de personnes en situation de handicap.

16. Mise en œuvre par le Canada des obligations internationales en matière de droits de la personne

La Commission demeure préoccupée par le manque de progrès du Canada dans la mise en œuvre des recommandations émanant du système international de protection des droits de la personne, notamment celles formulées par ce Comité. La Commission estime que la résolution des insuffisances structurelles et de l'inefficacité pratique du système actuel de mise en œuvre des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne jouerait un rôle important dans la résolution de ce problème.

Bien que la Commission se félicite d'avoir été désignée comme l'organisme responsable de la surveillance de la mise en œuvre de la CDPH par le gouvernement du Canada, elle reste préoccupée par le fait que le système actuel continue de perpétuer une approche disparate des progrès sans donner une structure fondamentale à la surveillance et à la mise en œuvre des droits de la personne interdépendants, intimement liés et indivisibles. Par exemple, lorsque la Commission a consulté des personnes en situation de handicap, celles-ci ont indiqué qu'il était difficile de se tenir au courant de la mise en œuvre de la CDPH au Canada et de son incidence sur la vie quotidienne des personnes concernées. Les participants ont indiqué qu'ils souhaitaient que la CDPH soit mise en œuvre. Une majorité écrasante a également déclaré qu'elle estimait que le Canada ne faisait pas un bon travail en matière de promotion et de protection des droits des personnes en situation de handicap. La Commission est fermement convaincue que, pour mettre en œuvre efficacement les recommandations adressées au Canada dans le cadre de cet examen et d'autres, il est impératif que des progrès substantiels, significatifs et coordonnés soient accomplis pour garantir un cadre solide de mise en œuvre et de surveillance.

En novembre 2024, la Commission a comparu devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne dans le cadre de son étude sur la mise en œuvre de l'examen périodique universel du Canada. Lors de cette comparution, la Commission a exprimé son soutien à une recommandation commune — formulée par la société civile et les défenseurs des droits de la personne — visant à ce que le Canada prenne l'initiative de collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d'élaborer et d'adopter un nouveau cadre national pour la mise en œuvre des droits de la personne à l'échelle internationale. La Commission soutient la position des partenaires de la société civile selon laquelle un tel cadre devrait inclure :

  • un engagement public claire de la part des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en faveur de la mise en œuvre des droits de la personne au niveau international
  • l'adoption de lois fédérales, provinciales et territoriales consacrant les obligations, les mécanismes et les exigences en matière de rapports publics liés à la mise en œuvre
  • l'amélioration des processus de consultation et de mobilisation avec les organisations des peuples autochtones, la société civile et les commissions des droits de la personne
  • un rôle accru pour le Parlement et les assemblées législatives
  • une augmentation des ressources, notamment pour soutenir la société civile

Recommandation 39 : Le Canada devrait collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux à l'élaboration et à l'adoption d'un cadre national pour la mise en œuvre des droits de la personne au niveau international.

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